Mardi 24 mars, Xavier Darcos, interviewé à la matinale de France Inter, a voulu minimiser l'impact de ceux qu'on appelle depuis quelques mois « les professeurs désobéissants ». D'un revers de la manche, le ministre de l'Education a rétorqué : « Je trouve qu'on en parle beaucoup. Ils sont 2000, j'aimerais bien qu'on parle des 358 000 professeurs qui au quotidien font leur métier. » (Voir la vidéo, aux environs d'1 minute 50)
Sur le terrain, ces 2000 enseignants réfractaires qui militent contre la « base-élèves » ou la réforme de l'aide aux élèves en difficulté sont pourtant de plus en plus soutenus par les parents d'élèves, qui prennent souvent le relais en cas de sanctions de l'administration.
Alors qu'une nouvelle fronde grossit au gré des semaines, contre l'évaluation des élèves de CM2 en milieu d'année, Caro, riveraine que vous connaissez, nous a envoyé ce témoignage co-signé avec Mireille Charpy et Jean-Yves Le Gall, directeurs d’école mobilisés dont Rue89 vous parlait dès le mois de novembre. Voici leur texte.
Des directeurs d’école résistent encore à la « base élèves » et aux pressions de l’inspection académique. Ils refusent de mettre les enfants en fiches pour… trente-cinq ans. Où en est la résistance en ce mois de mars 2009 ?
182 directeurs d’école se sont déclarés publiquement contre la « base élèves » malgré les menaces de leur administration. Le département de l’Isère a l’air de servir d’expérimentation. La nouvelle inspectrice d’académie exerce des pressions très importantes sur les récalcitrants, tel Jean-Yves Le Gall, convoqué le 29 janvier. Il a réitéré son refus de remplir et renseigner base-élèves et a reçu un ultimatum, s’il ne la remplit pas avant le 27 mars, il perdra son poste de directeur à la prochaine rentrée.
Des postes de direction disparaissent par la fusion des écoles maternelles et primaires. Des directeurs d’école rétifs ont été convoqués le vendredi 13 mars pour une formation individualisée au logiciel Base élèves. Ils ne s’y rendront pas, motivant leur refus dans une lettre collective et invoquent la date funeste…
Pressions de la hiérarchie contre soutien citoyen
D’autres déjà « formés » sont sommés de remplir la base de données avant le 23 mars et subissent des pressions énormes pour demander leur mutation. Une réunion de soutien à Jean-Yves Le Gall s’est tenue le 14 mars, dans le petit village de Notre-Dame-de-Vaulx, sur le plateau de la Matheysine, à trente kilomètres de Grenoble. 200 à 300 personnes suivant les sources s’y sont retrouvées : directeurs d’autres écoles, enseignants, parents d’élèves, élus, syndicalistes, membres d’associations diverses et simples citoyens venus en soutien.
Au milieu des informations, affichées tout au long du grillage, et des banderolles, des prises de parole très fortes. Jean-Yves Le Gall réitère son refus de ficher les enfants. Il soutient notamment que les données personnelles ne devraient pas sortir de l’école. A partir du moment où les élèves sont rentrés dans le fichier, tout est possible, y compris le pire… et il y a lieu de s’inquiéter de cela dans un monde où la vie privée des personnes est de plus en plus difficile à protéger.
La multiplication des instruments de contrôle social est déjà très inquiétante… mais élargir ceux-ci à l’enfance est proprement intolérable. Les enfants ne sont pas des citoyens et n’ont pas le statut juridique pour rendre des comptes à la collectivité. Ils doivent être protégés et non fichés. Or dans la base élèves, ils sont inscrits d’autorité sans que le droit d’opposition de leurs parents ne puisse s’appliquer.
Plusieurs élus de la Matheysine apportent le soutien de leurs conseils municipaux. Ils relient cette sanction à la casse de l’Education nationale, engendrée aussi par la disparition des Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, que Xavier Darcos veut supprimer) des écoles dont ils ont la charge.
Côté politique, le conseiller général du canton, la suppléante du député de la circonscription et une sénatrice expriment leur soutien et, côté syndicats, interviennent la secrétaire départementale du syndicat enseignant SNUIPP-Isère, celui du PAS et un syndicaliste de l’UL CGT.
La « base élèves », une violation aux conventions internationales
Plusieurs directeurs d’école « rétifs » expliquent les motifs de leur refus sur le plan éthique et un enseignant de la Drôme apporte symboliquement le soutien du collectif national. Deux recours devant le Conseil d’Etat ont été déposés contre la « base élèves », l’un contre les actes engagés dès 2004, l’autre contre l’arrêté du 20 octobre 2008, pris quatre ans après avoir démarré la collecte de données personnelles.
Le requérant souligne les nombreuses irrégularités autour de ce fichage : absence d’information des familles, interconnexion des bases élèves avec la Base nationale des identifiants des élèves (BNIE) cachée aux enseignants et aux familles. La « base élèves » serait une violation aux conventions internationales. L’arrêté rejette, sans justification, le droit d’opposition des personnes à figurer dans ce fichier.
Une table ronde était organisée pour parler de tous les fichages liberticides mis en place ou à venir et leur interconnexion, entre autres, Sconet (Scolarité sur le net) concerne tous les élèves du collège et du lycée. Des champs supprimés de la « base élèves » y figurent comme la nationalité, les fiches nominatives remontent au rectorat, il comporte la gestion de l’élève, les bourses, les absences et retards… Un informaticien remarquait qu’il n’était nul besoin de données nominatives pour établir des statistiques. Alors… ?
Caro, Mireille Charpy, directrice d’école retraitée, et Jean-Yves Le Gall, directeur d’école
Source : RUE89
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