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- Sauvez les RASED : http://everyoneweb.fr/sauvezlesrased/
- Blog de Bastien Cazals : http://uneecolepourvictorethugo.hautetfort.com/
- l'école pour tous, tous pour l'école : http://touspourlecole.canalblog.com/
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- Education et politique : http://educpol.over-blog.com/article-24754649.html
lundi 30 mars 2009
dimanche 29 mars 2009
Révolution.com
Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1793
Art 35 : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."
Art 35 : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs."
RASED : où en est-on ?
A la suite de la mobilisation sur les RASED, le ministère avait accepté d’ouvrir des discussions sur l’avenir des dispositifs d’aides aux élèves en difficulté.
Celles-ci se sont ouvertes en février.
Les deux premiers groupes de travail ont permis d’obtenir le courrier de cadrage pour les IA (note de service du 3 mars) dans les opérations de carte scolaire et les missions des personnels sédentarisés (voir circulaire ST-GL du 20-02-09).
Les deux réunions suivantes (10 mars et 23 mars) ont été consacrées à l’examen de nouvelles circulaires remplaçant celles de 2002 sur le traitement des difficultés scolaires et la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Les objectifs du ministère sont d’aboutir à l’écriture de deux circulaires distinctes, difficultés scolaires et handicap qui se substitueront à celles de 2002 ; d’avoir une écriture plus courte ; et de prendre en compte les nouvelles dispositions législatives (loi Fillon et loi sur le handicap), le cadre des nouveaux programmes, les nouveaux dispositifs (PPRE, aide personnalisée, stages de remise à niveau)…
Lors de la réunion du 23 mars, un texte a été soumis à l’appréciation des organisations syndicales et a donné lieu à des premiers échanges. En dépit d’une écriture effectivement plus courte (3 pages !), le texte semble conforter le dispositif RASED dans la logique de 2002, les missions spécifiques des enseignants spécialisés et psychologues scolaires, leurs modalités d’intervention (observation en classe, regroupement d’élèves, en individuel), le pilotage par l’IEN. De nombreuses demandes de précisions ont été acceptées. Sur le fond cependant le ministère peine à reconnaître la prévention dans les missions générales du RASED. Enfin, il n’a pas donné de réponse quant à la définition des horaires de service, notamment sur les heures de coordination et de synthèse. Le SNUipp est intervenu sur la nécessité du travail en équipe sur le plan institutionnel à hauteur des besoins, et sur la reconnaissance du travail en équipes éducatives. Il a également mis en garde contre une écriture trop elliptique, qui laisserait la place à toutes les interprétations et a demandé à bénéficier d’un délai pour informer et consulter la profession avant la finalisation de ce projet.
La prochaine réunion, le 6 avril, devrait permettre de finaliser ce projet. Elle sera aussi l’occasion de commencer à étudier la circulaire sur la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Source : SNUipp - FSU
Celles-ci se sont ouvertes en février.
Les deux premiers groupes de travail ont permis d’obtenir le courrier de cadrage pour les IA (note de service du 3 mars) dans les opérations de carte scolaire et les missions des personnels sédentarisés (voir circulaire ST-GL du 20-02-09).
Les deux réunions suivantes (10 mars et 23 mars) ont été consacrées à l’examen de nouvelles circulaires remplaçant celles de 2002 sur le traitement des difficultés scolaires et la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Les objectifs du ministère sont d’aboutir à l’écriture de deux circulaires distinctes, difficultés scolaires et handicap qui se substitueront à celles de 2002 ; d’avoir une écriture plus courte ; et de prendre en compte les nouvelles dispositions législatives (loi Fillon et loi sur le handicap), le cadre des nouveaux programmes, les nouveaux dispositifs (PPRE, aide personnalisée, stages de remise à niveau)…
Lors de la réunion du 23 mars, un texte a été soumis à l’appréciation des organisations syndicales et a donné lieu à des premiers échanges. En dépit d’une écriture effectivement plus courte (3 pages !), le texte semble conforter le dispositif RASED dans la logique de 2002, les missions spécifiques des enseignants spécialisés et psychologues scolaires, leurs modalités d’intervention (observation en classe, regroupement d’élèves, en individuel), le pilotage par l’IEN. De nombreuses demandes de précisions ont été acceptées. Sur le fond cependant le ministère peine à reconnaître la prévention dans les missions générales du RASED. Enfin, il n’a pas donné de réponse quant à la définition des horaires de service, notamment sur les heures de coordination et de synthèse. Le SNUipp est intervenu sur la nécessité du travail en équipe sur le plan institutionnel à hauteur des besoins, et sur la reconnaissance du travail en équipes éducatives. Il a également mis en garde contre une écriture trop elliptique, qui laisserait la place à toutes les interprétations et a demandé à bénéficier d’un délai pour informer et consulter la profession avant la finalisation de ce projet.
La prochaine réunion, le 6 avril, devrait permettre de finaliser ce projet. Elle sera aussi l’occasion de commencer à étudier la circulaire sur la scolarisation des élèves en situation de handicap.
Source : SNUipp - FSU
Concert Anis
Une voix exquise qui vous fait frissonner, des mélodies accrocheuses, une musique (guitare, batterie, contrebasse) aux accents bluesy, reggae, jazzy !
C'est notamment sur la route (du métro parisien à La Martinique, il n'y a qu'un bout...) que ANIS a pu créer son répertoire et ça se sent ... Entre anecdotes et histoires romantiques ANIS nous livre sa philosophie de vie... de quoi nous faire positiver pour un bon bout de temps !
Anis - José
samedi 28 mars 2009
Le bien pensant
Contre le libéralisme autoritaire,
refonder le service public d’éducation
Philippe Meirieu
Professeur en sciences de l’éducation
à l’université LUMIERE-Lyon 2
On connait les principales mesures venues, depuis plus d’un an, mettre à mal l’institution scolaire française : nouveaux programmes de l’école primaire qui, au prétexte de renforcer les « apprentissages fondamentaux », font de l’élève une « machine à exercices » et privent les enfants défavorisés de l’accès à la signification des tâches et de la culture scolaires… disparition programmée des RASED qui pouvaient apporter aux élèves en grande difficulté des aides adaptées… suppression des cours le samedi matin au détriment des équilibres de vie des enfants… mise en place d’évaluations systématiques, sans justification pédagogique, simplement pour fournir des indicateurs à des parents réduits au statut de « clients »… disparition progressive de la carte scolaire avec la promesse aux familles qu’elles pourront choisir l’école de leurs enfants alors qu’en réalité, ce sont les écoles qui choisiront leurs élèves, creusant ainsi les inégalités… suppression des aides aux initiatives artistiques et culturelles alors qu’il faudrait, au contraire, les renforcer pour compenser le crétinisme de la télévision et lutter contre la sidération par les jeux vidéos… disparition de toute véritable formation professionnelle en alternance pour des enseignants condamnés désormais à osciller entre la répression et la dépression… abandon de toute ambition pour les collèges laissés en jachère alors que beaucoup d’entre eux sont au bord de l’explosion… traitement méprisant des mouvements d’Éducation populaire et pédagogiques dont certains sont gravement menacés dans leur rôle d’appui à l’institution scolaire…
Ces mesures nous sont présentées comme des « réformes », mais je me refuse, pour ma part, à les nommer ainsi. D’une part, parce que cela sous-entendrait qu’il s’agit de « transformations nécessaires » et que ceux qui s’y opposent sont des conservateurs. D’autre part, parce que l’idéologie dominante et la rhétorique gouvernementale présentent toujours ces « réformes » comme inévitables : « Il n’y a pas d’autre solution si nous voulons… que nos enfants sachent lire… qu’on ne gaspille pas nos impôts… que nous tenions notre place dans le monde… etc. ». Or, en réalité, il y a toujours d’autres solutions. Et le rôle des politiques, c’est justement de présenter des scénarios en indiquant les chances et les risques qu’ils comportent, de les référer aux finalités envisagées et aux moyens mobilisables. A minima, il incombe aux décideurs d’associer tous les partenaires à l’exploration de ces scénarios et de mettre à contribution les chercheurs pour éclairer les choix… Or, que voyons-nous ? Des décisions unilatérales, précipitées, sans véritable anticipation de leurs conséquences, sans aucune mobilisation de l’intelligence citoyenne. Des décisions présentées comme « les seules possibles » : « Il était inévitable de supprimer les cours le samedi matin car cela correspond à une évolution sociologique irréversible et à une demande massive des familles. » Mais pourquoi l’École devrait-elle se caler systématiquement sur les évolutions sociologiques ? Et qui sait si les parents n’auraient pas, finalement, opté, s’il leur avait été présenté, pour un « plan B », comme, par exemple, le fait de faire du samedi matin une plage scolaire plus particulièrement consacrée au dialogue avec les familles, avec la possibilité d’assister aux cours par petits groupes, de débattre des exigences de l’école et des conditions de la réussite scolaire ?... Mais cela n’a jamais été proposé, ni même envisagé ; et, évidemment, aucun sondage n’a été commandé pour voir ce que les Français en penseraient.
Ainsi, ce n’est pas un hasard si le gouvernement, aujourd’hui, refuse les véritables concertations, s’enferme dans des négociations bilatérales sur ses propres projets sans jamais présenter plusieurs hypothèses et travailler à les affiner. En « réformant » à la hussarde, il focalise l’attention sur ses seules propositions et paralyse toute velléité de créativité collective. Il suscite les réactions de ceux et celles qui se sentent agressés et peut alors jeter en pâture à l’opinion leur « corporatisme ». Au total, il contraint ses adversaires à faire son jeu en protestant contre ses actes. Il peut même ainsi… les rendre fous ! D’autant plus que les mesures auxquelles nous assistons aujourd’hui n’apparaissent pas spontanément comme participant d’un projet global... En effet, d’un côté, on active toutes les rivalités possibles entre les personnes et les institutions, tandis que, de l’autre, on renforce les prérogatives d’un pouvoir central déjà très puissant. Et émerge ainsi sous nos yeux une sorte de configuration étrange : le libéralisme autoritaire. Mais une configuration particulièrement cohérente en réalité, avec deux faces totalement indissociables…
Libéralisme : parce que ce qu’on nomme « modernisation » n’est jamais que la mise en concurrence systématique de tous les acteurs au nom de la « bonne vieille morale » de la « Fable des abeilles » du 18ème siècle : « Les vices privés font les vertus publiques. » Ainsi, l’État ne garantit plus la qualité du service public, mais délègue cette charge à la rivalité instituée entre les personnes et les institutions. Un exemple particulièrement parlant de cette méthode est représenté par la manière dont le gouvernement vient de « dissoudre » les IUFM : ce n’est plus lui qui garantira la qualité de le formation pédagogique des enseignants – ni l’équité territoriale dans ce domaine –, c’est la pluralité des offres d’universités « autonomes » désormais condamnées à la concurrence.
Autoritaire : parce que, pour créer les conditions de la concurrence généralisée, le pouvoir politique doit imposer un recul systématique de l’État dans tous les domaines et par tous les moyens. Son désengagement l’amène ainsi à organiser la dévolution systématique de ses prérogatives aux collectivités territoriales ou aux associations, sans leur donner les moyens de les assumer… et tout en maintenant la pression maximale sur elles au nom de ces mêmes prérogatives !
Libéralisme : parce qu’on joue systématiquement sur les conflits d’intérêts et qu’on oppose les gens les uns aux autres en créant de la suspicion permanente : pour les parents, les enseignants sont des corporatistes archaïques ; pour les enseignants, les parents sont des consommateurs intrusifs… pour tous, les chômeurs sont des profiteurs, les malades des dépensiers, les enfants des délinquants potentiels, les adultes des mal-traitants en puissance, etc.
Autoritaire : parce que, pour éviter l’explosion d’une machine qu’on laisse s’emballer et dont on libère massivement les forces centrifuges, on doit construire un « contenant » suffisamment puissant, avec des dispositifs de surveillance, de contrôle et de répression censés éviter les débordements qui mettraient en péril la survie même du système.
Libéralisme : parce qu’on affirme aux Français qu’ils vont, enfin, pouvoir choisir dans tous les domaines ce qui correspond à leurs désirs. Et que la machinerie économique et publicitaire tout entière les place dans une situation de surchauffe pulsionnelle permanente.
Autoritaire : parce que, pour éclairer les choix des consommateurs, il faut imposer des mesures et des quantifications permanentes de tout et de tous, construire, toujours et partout, des palmarès… Il ne s’agit pas, en effet, aujourd’hui, pour les fonctionnaires, de « rendre des comptes » – comme cela est, bien évidemment, exigible dans toute démocratie –, mais bien de régler toute leur activité sur des critères exclusivement comptables… avec le danger de réduire cette dernière à ce qui est strictement quantifiable à très court terme, au détriment des missions qui exigent un travail en profondeur sur le long terme, comme l’éducation, la culture, la recherche ou la santé psychique. Partout, il s’agit de « faire du chiffre » pour « se positionner », « rester dans la course », « être visible en affichant des résultats ». Or, « faire du chiffre » n’est pas – c’est le moins que l’on puisse dire ! – un gage de la qualité du travail d’un fonctionnaire : chacun sait que, dans un lycée, on peut obtenir d’excellents résultats au baccalauréat, simplement en sélectionnant plus sévèrement les élèves à l’entrée. Comme l’écrivaient les enfants de Barbiana, dans la Lettre à une maîtresse d’école publiée en 1967, exiger d’un service public de « faire du chiffre », c’est « condamner les hôpitaux à soigner les bien-portants et à exclure les malades. »… Pour autant, nous ne pouvons pas nous réfugier dans l’irresponsabilité sociale en invoquant l’ineffable, mais nous devons exiger d’être associés, en tant que citoyens et dans des collectifs institués, à la définition des critères qui permettent de juger de la « réussite de nos missions ». C’est ainsi que nous parviendrons peut-être à instaurer un minimum de fonctionnement démocratique dans le libéralisme autoritaire et technocratique qui nous envahit. Reste néanmoins à comprendre les raisons de ce qui nous arrive. Comment se fait-il que ce modèle politique du libéralisme autoritaire ait réussi à s’implanter ? La question est essentielle car, si nous parvenons aujourd’hui à faire reculer le gouvernement sur telle ou telle mesure, nous ne pourrons lutter à long terme pour de véritables alternatives que si nous sommes capables d’identifier ce qui a permis d’en arriver là et comment on peut, à l’avenir, y échapper. Je fais l’hypothèse que, si le libéralisme autoritaire se développe aujourd’hui, c’est parce qu’à la fois, il existe un problème de fond dans notre « démocratie » et qu’à sa manière l’actuel Président de la République et son gouvernement y apportent une réponse… certainement pas la bonne, mais une réponse.
Le problème de fond est bien identifié : depuis la chute de toutes les formes de théocratie, nous avançons dans le vide, sans référent ni verticalité capables de nous rassembler et de nous faire « tenir ensemble ». Chacun d’entre nous devient maître de son destin et ses choix personnels ne sont plus dictés par l’obéissance à des règles de conduite consensuelles. L’individu se fonde lui-même et s’autoréférence. La modernité est ainsi marquée par ce que l’on nomme « l’individualisme social »… Pour ma part, je ne nourris aucune nostalgie à l’égard des théocraties religieuses ou politiques qui nous ont longtemps tenu sous leur joug. Je ne regrette pas le moins du monde les « bonnes vieilles méthodes » en éducation – qui côtoyaient une « pédagogie noire » particulièrement pathogène – pas plus que je n’aspire à la domination d’un chef charismatique dans un groupe fusionnel qui nous permettrait de restaurer un semblant d’unité… En revanche, je crois que le défi du fonctionnement démocratique de notre République n’a pas été véritablement relevé : nous ne sommes pas parvenus à créer des institutions, locales et nationales, dans les entreprises et les services publics, pour travailler collectivement à la définition et à la mise en oeuvre du « bien commun ». Nous restons ainsi, très largement, une collection d’individus juxtaposés. Certes, nous sommes étroitement dépendants les uns des autres, mais cette dépendance n’est pas une solidarité positive au nom d’une promotion collective, elle est une manière d’utiliser les dispositifs sociaux en fonction des seuls bienfaits qu’ils peuvent nous apporter au titre de nos revendications individuelles… Ainsi, sommes-nous condamnés à une fuite en avant, de prothèse revendiquée en prothèse exigée, quand il nous faudrait construire des institutions qui s’assument comme collectifs capables d’aider chaque sujet à mobiliser, tout à la fois, ses ressources internes et celles du groupe, et cela en une interaction permanente, seule susceptible de construire ce qu’on nomme « le lien social ». Aucun véritable « lien social » n’est possible, en effet, si l’individu se vide de « ce qui fait sujet en lui » ; aucun « lien social » ne peut être construit avec des individus qui sont en permanence dans la position de « profiter sans s’impliquer ».
Ainsi, faute d’avoir été capable de penser des collectifs solidaires adossés à des valeurs communes, notre modernité démocratique reste infiniment fragile. Elle est particulièrement sensible aux sirènes du discours libéral autoritaire. À cet égard, la thèse de Margaret Tatcher – « Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus… » – reste la matrice idéologique de la politique que nous subissons. Et si le Président de la République, quoique devenu impopulaire, reste « en phase » avec la majorité de la population, c’est que, justement, il s’adresse toujours aux individus. Il leur dit : « Je ferai en sorte que vos enfants soient gardés les jours de grève… Si vous n’êtes pas contents de votre école, vous pourrez en changer… Si vous voulez gagner plus, vous pouvez le faire… Recherchez votre intérêt et ne vous inquiétez pas des autres… N’ayez pas peur des conflits, la police vous protège… ». Et c’est bien parce que ce discours s’adresse à l’individu privé en chacun d’entre nous dans un monde de plus en plus individualiste qu’il fonctionne… Qu’on ne se méprenne pas cependant : les intérêts individuels, tous les intérêts individuels, peuvent être légitimes. Ce qui n’est pas légitime, c’est de réduire le « bien commun » à la somme ou à la mise en concurrence des intérêts individuels. Le pari de la démocratie dans la République, c’est de faire travailler des « institutions » afin qu’elles permettent de s’exhausser au-dessus du déchaînement des rivalités personnelles. C’est pourquoi nous avons besoin – si nous voulons nous écarter durablement des ornières que nous connaissons aujourd’hui – de renverser la vapeur, d’inventer un fonctionnement qui mobilise les citoyens dans des projets solidaires. Deux pistes me paraissent devoir être explorées pour cela. La première, c’est celle que nous expérimentons avec « l’appel des appels », c’est ce qui est en train de s’expérimenter dans le pays : sortir de nos isolements, faire le lien entre les différents secteurs frappés par le libéralisme autoritaire, se parler, tenter de comprendre ce qui nous réunit, identifier ce qui nous rapproche et comment nous pouvons nous compléter. Il y a là quelque chose d’essentiel à mes yeux et que je vois s’ébaucher aujourd’hui. Ainsi, par exemple, dans les écoles primaires, on observe une formidable évolution : les parents et les enseignants se mettent à travailler ensemble, les élus locaux et le tissu associatif s’y associent, des dynamiques sont à l’oeuvre… qu’il faudra prolonger bien au-delà des combats d’aujourd’hui.
Enfin, une deuxième piste me semble devoir être plus que jamais travaillée : la « refondation » des services publics. Il nous faut sortir de cette oscillation mortifère entre le « tout État » et le « tout marché », deux postures qui s’opposent et se nourrissent réciproquement. Le « tout État » n’est pas la garantie de la qualité des services publics : le bloc soviétique en a été un triste exemple. Le « tout marché » n’est pas, non plus, la garantie de la qualité des services publics, ni du développement harmonieux de nos sociétés : la crise financière et économique
actuelle en est la preuve indiscutable. Pour autant, il ne suffit pas d’introduire plus d’État quand le marché impose sa dérégulation, ni d’introduire plus de marché quand le contrôle de l’État devient une technostructure tatillonne qui s’enferme dans des procédures kafkaïennes. On ne construira pas un service public réellement conforme au fonctionnement démocratique de notre République en s’épuisant dans de savants dosages entre l’État et le marché… Il faut vraiment « changer de logiciel » : il faut instituer des « services publics citoyens » où ceux et celles que l’on ne doit plus appeler les « usagers » soient associés à l’amélioration du fonctionnement et à la recherche de la qualité. Il nous faut, en particulier, une institution scolaire qui accepte de travailler avec les élèves et les parents pour que, dans le respect des responsabilités réciproques, on puisse débattre de tous les dysfonctionnements qui émergent et inventer ensemble des solutions. Il faut, dans le cadre d’un cahier des charges national clair qui fixe les engagements de la Nation envers sa jeunesse, que chaque école et chaque établissement puissent se mobiliser collectivement autour d’un projet. Il faut que les professionnels de l’éducation – comme ceux du soin, du travail social ou de la culture – ne soient plus condamnés à souffrir seuls face à des échecs inévitables, mais soient accompagnés et aidés pour fabriquer du collectif avec leurs partenaires… On pourra ainsi construire une École où plus jamais on ne laissera un seul élève, une seule famille dans l’obligation de se tourner vers le privé pour être accueillis et entendus. Car un service public qui laisse partir vers le privé des citoyens qui estiment qu’ils n’y ont pas leur place n’est pas digne de porter ce nom… Le chantier est immense. Il doit nous mobiliser contre les dérives de la droite et nous amener à interpeler vigoureusement la gauche. Mais, c’est, bien au-delà d’une question technique, un enjeu essentiel. C’est même, implicitement, d’un modèle de société qu’il s’agit. Et, ainsi conçu, le service public, loin d’être un archaïsme, est vraiment « une idée neuve en Europe ».
Source :
refonder le service public d’éducation
Philippe Meirieu
Professeur en sciences de l’éducation
à l’université LUMIERE-Lyon 2
On connait les principales mesures venues, depuis plus d’un an, mettre à mal l’institution scolaire française : nouveaux programmes de l’école primaire qui, au prétexte de renforcer les « apprentissages fondamentaux », font de l’élève une « machine à exercices » et privent les enfants défavorisés de l’accès à la signification des tâches et de la culture scolaires… disparition programmée des RASED qui pouvaient apporter aux élèves en grande difficulté des aides adaptées… suppression des cours le samedi matin au détriment des équilibres de vie des enfants… mise en place d’évaluations systématiques, sans justification pédagogique, simplement pour fournir des indicateurs à des parents réduits au statut de « clients »… disparition progressive de la carte scolaire avec la promesse aux familles qu’elles pourront choisir l’école de leurs enfants alors qu’en réalité, ce sont les écoles qui choisiront leurs élèves, creusant ainsi les inégalités… suppression des aides aux initiatives artistiques et culturelles alors qu’il faudrait, au contraire, les renforcer pour compenser le crétinisme de la télévision et lutter contre la sidération par les jeux vidéos… disparition de toute véritable formation professionnelle en alternance pour des enseignants condamnés désormais à osciller entre la répression et la dépression… abandon de toute ambition pour les collèges laissés en jachère alors que beaucoup d’entre eux sont au bord de l’explosion… traitement méprisant des mouvements d’Éducation populaire et pédagogiques dont certains sont gravement menacés dans leur rôle d’appui à l’institution scolaire…
Ces mesures nous sont présentées comme des « réformes », mais je me refuse, pour ma part, à les nommer ainsi. D’une part, parce que cela sous-entendrait qu’il s’agit de « transformations nécessaires » et que ceux qui s’y opposent sont des conservateurs. D’autre part, parce que l’idéologie dominante et la rhétorique gouvernementale présentent toujours ces « réformes » comme inévitables : « Il n’y a pas d’autre solution si nous voulons… que nos enfants sachent lire… qu’on ne gaspille pas nos impôts… que nous tenions notre place dans le monde… etc. ». Or, en réalité, il y a toujours d’autres solutions. Et le rôle des politiques, c’est justement de présenter des scénarios en indiquant les chances et les risques qu’ils comportent, de les référer aux finalités envisagées et aux moyens mobilisables. A minima, il incombe aux décideurs d’associer tous les partenaires à l’exploration de ces scénarios et de mettre à contribution les chercheurs pour éclairer les choix… Or, que voyons-nous ? Des décisions unilatérales, précipitées, sans véritable anticipation de leurs conséquences, sans aucune mobilisation de l’intelligence citoyenne. Des décisions présentées comme « les seules possibles » : « Il était inévitable de supprimer les cours le samedi matin car cela correspond à une évolution sociologique irréversible et à une demande massive des familles. » Mais pourquoi l’École devrait-elle se caler systématiquement sur les évolutions sociologiques ? Et qui sait si les parents n’auraient pas, finalement, opté, s’il leur avait été présenté, pour un « plan B », comme, par exemple, le fait de faire du samedi matin une plage scolaire plus particulièrement consacrée au dialogue avec les familles, avec la possibilité d’assister aux cours par petits groupes, de débattre des exigences de l’école et des conditions de la réussite scolaire ?... Mais cela n’a jamais été proposé, ni même envisagé ; et, évidemment, aucun sondage n’a été commandé pour voir ce que les Français en penseraient.
Ainsi, ce n’est pas un hasard si le gouvernement, aujourd’hui, refuse les véritables concertations, s’enferme dans des négociations bilatérales sur ses propres projets sans jamais présenter plusieurs hypothèses et travailler à les affiner. En « réformant » à la hussarde, il focalise l’attention sur ses seules propositions et paralyse toute velléité de créativité collective. Il suscite les réactions de ceux et celles qui se sentent agressés et peut alors jeter en pâture à l’opinion leur « corporatisme ». Au total, il contraint ses adversaires à faire son jeu en protestant contre ses actes. Il peut même ainsi… les rendre fous ! D’autant plus que les mesures auxquelles nous assistons aujourd’hui n’apparaissent pas spontanément comme participant d’un projet global... En effet, d’un côté, on active toutes les rivalités possibles entre les personnes et les institutions, tandis que, de l’autre, on renforce les prérogatives d’un pouvoir central déjà très puissant. Et émerge ainsi sous nos yeux une sorte de configuration étrange : le libéralisme autoritaire. Mais une configuration particulièrement cohérente en réalité, avec deux faces totalement indissociables…
Libéralisme : parce que ce qu’on nomme « modernisation » n’est jamais que la mise en concurrence systématique de tous les acteurs au nom de la « bonne vieille morale » de la « Fable des abeilles » du 18ème siècle : « Les vices privés font les vertus publiques. » Ainsi, l’État ne garantit plus la qualité du service public, mais délègue cette charge à la rivalité instituée entre les personnes et les institutions. Un exemple particulièrement parlant de cette méthode est représenté par la manière dont le gouvernement vient de « dissoudre » les IUFM : ce n’est plus lui qui garantira la qualité de le formation pédagogique des enseignants – ni l’équité territoriale dans ce domaine –, c’est la pluralité des offres d’universités « autonomes » désormais condamnées à la concurrence.
Autoritaire : parce que, pour créer les conditions de la concurrence généralisée, le pouvoir politique doit imposer un recul systématique de l’État dans tous les domaines et par tous les moyens. Son désengagement l’amène ainsi à organiser la dévolution systématique de ses prérogatives aux collectivités territoriales ou aux associations, sans leur donner les moyens de les assumer… et tout en maintenant la pression maximale sur elles au nom de ces mêmes prérogatives !
Libéralisme : parce qu’on joue systématiquement sur les conflits d’intérêts et qu’on oppose les gens les uns aux autres en créant de la suspicion permanente : pour les parents, les enseignants sont des corporatistes archaïques ; pour les enseignants, les parents sont des consommateurs intrusifs… pour tous, les chômeurs sont des profiteurs, les malades des dépensiers, les enfants des délinquants potentiels, les adultes des mal-traitants en puissance, etc.
Autoritaire : parce que, pour éviter l’explosion d’une machine qu’on laisse s’emballer et dont on libère massivement les forces centrifuges, on doit construire un « contenant » suffisamment puissant, avec des dispositifs de surveillance, de contrôle et de répression censés éviter les débordements qui mettraient en péril la survie même du système.
Libéralisme : parce qu’on affirme aux Français qu’ils vont, enfin, pouvoir choisir dans tous les domaines ce qui correspond à leurs désirs. Et que la machinerie économique et publicitaire tout entière les place dans une situation de surchauffe pulsionnelle permanente.
Autoritaire : parce que, pour éclairer les choix des consommateurs, il faut imposer des mesures et des quantifications permanentes de tout et de tous, construire, toujours et partout, des palmarès… Il ne s’agit pas, en effet, aujourd’hui, pour les fonctionnaires, de « rendre des comptes » – comme cela est, bien évidemment, exigible dans toute démocratie –, mais bien de régler toute leur activité sur des critères exclusivement comptables… avec le danger de réduire cette dernière à ce qui est strictement quantifiable à très court terme, au détriment des missions qui exigent un travail en profondeur sur le long terme, comme l’éducation, la culture, la recherche ou la santé psychique. Partout, il s’agit de « faire du chiffre » pour « se positionner », « rester dans la course », « être visible en affichant des résultats ». Or, « faire du chiffre » n’est pas – c’est le moins que l’on puisse dire ! – un gage de la qualité du travail d’un fonctionnaire : chacun sait que, dans un lycée, on peut obtenir d’excellents résultats au baccalauréat, simplement en sélectionnant plus sévèrement les élèves à l’entrée. Comme l’écrivaient les enfants de Barbiana, dans la Lettre à une maîtresse d’école publiée en 1967, exiger d’un service public de « faire du chiffre », c’est « condamner les hôpitaux à soigner les bien-portants et à exclure les malades. »… Pour autant, nous ne pouvons pas nous réfugier dans l’irresponsabilité sociale en invoquant l’ineffable, mais nous devons exiger d’être associés, en tant que citoyens et dans des collectifs institués, à la définition des critères qui permettent de juger de la « réussite de nos missions ». C’est ainsi que nous parviendrons peut-être à instaurer un minimum de fonctionnement démocratique dans le libéralisme autoritaire et technocratique qui nous envahit. Reste néanmoins à comprendre les raisons de ce qui nous arrive. Comment se fait-il que ce modèle politique du libéralisme autoritaire ait réussi à s’implanter ? La question est essentielle car, si nous parvenons aujourd’hui à faire reculer le gouvernement sur telle ou telle mesure, nous ne pourrons lutter à long terme pour de véritables alternatives que si nous sommes capables d’identifier ce qui a permis d’en arriver là et comment on peut, à l’avenir, y échapper. Je fais l’hypothèse que, si le libéralisme autoritaire se développe aujourd’hui, c’est parce qu’à la fois, il existe un problème de fond dans notre « démocratie » et qu’à sa manière l’actuel Président de la République et son gouvernement y apportent une réponse… certainement pas la bonne, mais une réponse.
Le problème de fond est bien identifié : depuis la chute de toutes les formes de théocratie, nous avançons dans le vide, sans référent ni verticalité capables de nous rassembler et de nous faire « tenir ensemble ». Chacun d’entre nous devient maître de son destin et ses choix personnels ne sont plus dictés par l’obéissance à des règles de conduite consensuelles. L’individu se fonde lui-même et s’autoréférence. La modernité est ainsi marquée par ce que l’on nomme « l’individualisme social »… Pour ma part, je ne nourris aucune nostalgie à l’égard des théocraties religieuses ou politiques qui nous ont longtemps tenu sous leur joug. Je ne regrette pas le moins du monde les « bonnes vieilles méthodes » en éducation – qui côtoyaient une « pédagogie noire » particulièrement pathogène – pas plus que je n’aspire à la domination d’un chef charismatique dans un groupe fusionnel qui nous permettrait de restaurer un semblant d’unité… En revanche, je crois que le défi du fonctionnement démocratique de notre République n’a pas été véritablement relevé : nous ne sommes pas parvenus à créer des institutions, locales et nationales, dans les entreprises et les services publics, pour travailler collectivement à la définition et à la mise en oeuvre du « bien commun ». Nous restons ainsi, très largement, une collection d’individus juxtaposés. Certes, nous sommes étroitement dépendants les uns des autres, mais cette dépendance n’est pas une solidarité positive au nom d’une promotion collective, elle est une manière d’utiliser les dispositifs sociaux en fonction des seuls bienfaits qu’ils peuvent nous apporter au titre de nos revendications individuelles… Ainsi, sommes-nous condamnés à une fuite en avant, de prothèse revendiquée en prothèse exigée, quand il nous faudrait construire des institutions qui s’assument comme collectifs capables d’aider chaque sujet à mobiliser, tout à la fois, ses ressources internes et celles du groupe, et cela en une interaction permanente, seule susceptible de construire ce qu’on nomme « le lien social ». Aucun véritable « lien social » n’est possible, en effet, si l’individu se vide de « ce qui fait sujet en lui » ; aucun « lien social » ne peut être construit avec des individus qui sont en permanence dans la position de « profiter sans s’impliquer ».
Ainsi, faute d’avoir été capable de penser des collectifs solidaires adossés à des valeurs communes, notre modernité démocratique reste infiniment fragile. Elle est particulièrement sensible aux sirènes du discours libéral autoritaire. À cet égard, la thèse de Margaret Tatcher – « Il n’y a pas de société, il n’y a que des individus… » – reste la matrice idéologique de la politique que nous subissons. Et si le Président de la République, quoique devenu impopulaire, reste « en phase » avec la majorité de la population, c’est que, justement, il s’adresse toujours aux individus. Il leur dit : « Je ferai en sorte que vos enfants soient gardés les jours de grève… Si vous n’êtes pas contents de votre école, vous pourrez en changer… Si vous voulez gagner plus, vous pouvez le faire… Recherchez votre intérêt et ne vous inquiétez pas des autres… N’ayez pas peur des conflits, la police vous protège… ». Et c’est bien parce que ce discours s’adresse à l’individu privé en chacun d’entre nous dans un monde de plus en plus individualiste qu’il fonctionne… Qu’on ne se méprenne pas cependant : les intérêts individuels, tous les intérêts individuels, peuvent être légitimes. Ce qui n’est pas légitime, c’est de réduire le « bien commun » à la somme ou à la mise en concurrence des intérêts individuels. Le pari de la démocratie dans la République, c’est de faire travailler des « institutions » afin qu’elles permettent de s’exhausser au-dessus du déchaînement des rivalités personnelles. C’est pourquoi nous avons besoin – si nous voulons nous écarter durablement des ornières que nous connaissons aujourd’hui – de renverser la vapeur, d’inventer un fonctionnement qui mobilise les citoyens dans des projets solidaires. Deux pistes me paraissent devoir être explorées pour cela. La première, c’est celle que nous expérimentons avec « l’appel des appels », c’est ce qui est en train de s’expérimenter dans le pays : sortir de nos isolements, faire le lien entre les différents secteurs frappés par le libéralisme autoritaire, se parler, tenter de comprendre ce qui nous réunit, identifier ce qui nous rapproche et comment nous pouvons nous compléter. Il y a là quelque chose d’essentiel à mes yeux et que je vois s’ébaucher aujourd’hui. Ainsi, par exemple, dans les écoles primaires, on observe une formidable évolution : les parents et les enseignants se mettent à travailler ensemble, les élus locaux et le tissu associatif s’y associent, des dynamiques sont à l’oeuvre… qu’il faudra prolonger bien au-delà des combats d’aujourd’hui.
Enfin, une deuxième piste me semble devoir être plus que jamais travaillée : la « refondation » des services publics. Il nous faut sortir de cette oscillation mortifère entre le « tout État » et le « tout marché », deux postures qui s’opposent et se nourrissent réciproquement. Le « tout État » n’est pas la garantie de la qualité des services publics : le bloc soviétique en a été un triste exemple. Le « tout marché » n’est pas, non plus, la garantie de la qualité des services publics, ni du développement harmonieux de nos sociétés : la crise financière et économique
actuelle en est la preuve indiscutable. Pour autant, il ne suffit pas d’introduire plus d’État quand le marché impose sa dérégulation, ni d’introduire plus de marché quand le contrôle de l’État devient une technostructure tatillonne qui s’enferme dans des procédures kafkaïennes. On ne construira pas un service public réellement conforme au fonctionnement démocratique de notre République en s’épuisant dans de savants dosages entre l’État et le marché… Il faut vraiment « changer de logiciel » : il faut instituer des « services publics citoyens » où ceux et celles que l’on ne doit plus appeler les « usagers » soient associés à l’amélioration du fonctionnement et à la recherche de la qualité. Il nous faut, en particulier, une institution scolaire qui accepte de travailler avec les élèves et les parents pour que, dans le respect des responsabilités réciproques, on puisse débattre de tous les dysfonctionnements qui émergent et inventer ensemble des solutions. Il faut, dans le cadre d’un cahier des charges national clair qui fixe les engagements de la Nation envers sa jeunesse, que chaque école et chaque établissement puissent se mobiliser collectivement autour d’un projet. Il faut que les professionnels de l’éducation – comme ceux du soin, du travail social ou de la culture – ne soient plus condamnés à souffrir seuls face à des échecs inévitables, mais soient accompagnés et aidés pour fabriquer du collectif avec leurs partenaires… On pourra ainsi construire une École où plus jamais on ne laissera un seul élève, une seule famille dans l’obligation de se tourner vers le privé pour être accueillis et entendus. Car un service public qui laisse partir vers le privé des citoyens qui estiment qu’ils n’y ont pas leur place n’est pas digne de porter ce nom… Le chantier est immense. Il doit nous mobiliser contre les dérives de la droite et nous amener à interpeler vigoureusement la gauche. Mais, c’est, bien au-delà d’une question technique, un enjeu essentiel. C’est même, implicitement, d’un modèle de société qu’il s’agit. Et, ainsi conçu, le service public, loin d’être un archaïsme, est vraiment « une idée neuve en Europe ».
Source :
mercredi 25 mars 2009
L'école fait de la résistance
Enquête
L'école fait de la résistance
LE MONDE 2 | 20.03.09
A l'évidence, la presse n'est pas la bienvenue. Une demande de reportage dans les écoles primaires de Rezé, petite ville paisible de la banlieue sud de Nantes, se solde sous vingt-quatre heures par une réponse sans appel. " Vous n'avez pas le droit d'aller dans l'école demandée. Ni dans aucune autre de la ville. Ni du département. " Visiblement, l'inspecteur d'académie de Loire-Atlantique ne tient pas trop à ce qu'on raconte qu'à Rezé, sur 140 professeurs des écoles, 80 sont des " résistants " déclarés. Qu'on en dénombre même plusieurs centaines dans le département – en France, ils sont quelque 2 000.
Qu'ils se disent " résistants ", " désobéisseurs " ou " objecteurs de réforme ", ces enseignants du primaire sont entrés en rébellion il y a bientôt un an pour les premiers. Tout fonctionnaires de l'éducation nationale qu'ils soient, l'exaspération est telle qu'ils refusent d'appliquer les instructions de leur hiérarchie. Malgré les retenues sur salaire qui frappent quelques-uns, de Paris à Marseille, malgré les lettres nominatives, ils s'obstinent à ne pas vouloir mettre en place, notamment, les deux heures hebdomadaires de soutien individualisé pour les élèves en difficulté. Dernière manifestation en date, selon eux, d'une volonté gouvernementale de démembrement du service public de l'éducation.
C'est donc chez un particulier que nous rencontrons une grosse poignée d'enseignants de Rezé. Ils sont d'âges, d'écoles et de syndicats différents mais se connaissent bien, habitent là pour la plupart et se sont initiés à l'action collective au début des années 2000, lorsqu'il a fallu se battre contre les sous-effectifs enseignants. Ils ont donc tôt fait d'entrer en résistance, toutes les écoles de la ville (sauf une) refusant dès avril 2008 d'envoyer à l'inspection leur projet d'organisation de l'aide personnalisée.
" A quoi en sommes-nous réduits ! " Au milieu de la rue, en soirée, alors que s'improvise pour nous une séance photo, ils pestent, ces professeurs " désobéisseurs " des écoles maternelles ou élémentaires, contre " une forte ambiance répressive ", contre ce " devoir de réserve " avec lequel on ne cesse de les " seriner ". Un collègue vient de recevoir un blâme pour avoir parlé à un journaliste au sein de son établissement. Un autre est poursuivi pour avoir bousculé un CRS lors d'une occupation de l'inspection académique.
Après avoir fait la tournée des écoles, déclaré à chaque équipe enseignante qu'elle était la dernière à ne pas avoir mis en place l'aide individualisée (" Malheureusement pour lui, on communique entre nous ! "), l'inspecteur de circonscription promet désormais des visites surprises pendant les heures prévues pour ce soutien. Les menaces de sanctions financières et administratives se font plus pressantes. Sans compter que, dans les écoles, la réforme a parfois semé la zizanie entre collègues. Bref, l'ambiance est tendue et la lassitude gagne.
" Désormais, tous les projets alternatifs au soutien individualisé que l'inspecteur de circonscription refusait en septembre, il les accepte, tout ça pour diminuer officiellement le nombre de désobéisseurs !, s'agace Jean-Michel Soccoja, directeur d'école et enseignant en CE2-CM1. Deux heures à jouer aux échecs ou à faire du théâtre ? Pas de problème du moment que le prof est devant les enfants. " " On proposerait de construire une cave à vin, il accepterait ! ", lance une de ses collègues, qui provoque l'hilarité.
INORGANISATION MANIFESTE
Au plan national, l'histoire avec Xavier Darcos avait pourtant bien commencé, lorsque le ministre de l'éducation nationale avait annoncé, en 2007, la fin de la classe le samedi matin pour la rentrée suivante. La perspective d'un vrai week-end avait réjoui nombre d'enseignants et de parents. Jusqu'à ce que les seconds s'aperçoivent que cette mesure populaire les privait de leur principale occasion de rencontrer les premiers. Jusqu'à ce qu'ensuite chacun se demande comment tenir les contenus des programmes en 24 heures de cours par semaine au lieu de 26.
De plus ou moins bonne grâce, les écoles ont cependant testé le dispositif d'aide aux élèves en difficulté qui s'ajoute au temps de la classe, à midi ou en fin d'après-midi. Seuls ou par petits groupes, les élèves bénéficient de quatre demi-heures de soutien. Dans son principe – donner plus aux enfants qui en ont le plus besoin –, l'idée pouvait séduire les partisans de l'équité. Las, dans la pratique, l'initiative lancée à la va-vite ne va pas de soi. Comment les enfants, qui ont du mal à se concentrer pendant les six heures d'une journée de classe classique – la plus longue d'Europe –, peuvent-ils avaler une demi-heure supplémentaire ? Les consignes varient selon les académies, l'inorganisation est manifeste, le résultat inégal. Tandis que certains maîtres trouvent leur compte dans ce tête-à-tête avec l'élève, d'autres ont discrètement oublié de recruter des candidats au soutien au deuxième trimestre. Les derniers, une minorité, se rebiffent et le revendiquent. Avec d'autant plus de conviction que ce dispositif d'aide personnalisée devait se solder par la suppression de 3 000 postes au sein des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). La mise en cause de ce corps de professionnels spécifiquement formés a électrisé l'école et alerté les parents (lire ci-contre), au point de faire en partie reculer le ministère.
A Rezé, les instits aujourd'hui résistants avaient parfois commencé le soutien en septembre. Bilan ? Un fiasco, tranchent-ils. Il y a tant d'effets pervers ! Dans les petites écoles, on s'invente des enfants en difficulté. Dans les grosses, on ne peut en aider qu'une petite poignée alors que toute la classe aurait parfois besoin de davantage d'attention. Comment choisir ?
Les parents arrêtent l'orthophoniste ou le pédopsychiatre parce que l'école, c'est plus important. Attendent une demi-heure dans la voiture à midi, avec frères et sœurs à l'arrière. Surtout, nous dit-on, l'actuelle organisation sur quatre jours, avec les nouveaux programmes, a enclenché une course contre la montre permanente. Plus le temps de parler aux parents. A midi, le soir, il faut vite lâcher les élèves pour aller dispenser ces cours supplémentaires. Plus le temps, non plus, de se concerter entre collègues, de développer un projet d'école. Déjeuners au lance-pierre, journées à rallonge… Les enseignants s'épuisent. Les enfants aussi.
" On a tenté un soutien à 17 heures. Deux à trois enfants pour quarante minutes intensives. Mais ces élèves en difficulté, qui ont déjà des problèmes de concentration, étaient très fatigués, et dans la foulée ils devaient encore faire leurs devoirs ", témoigne le très pondéré Dominique Avril, de l'école Château-Sud. " Nous, c'était le midi, poursuit un collègue plus jeune et plus fougueux, Jean-Baptiste Cochereau, de l'école Ragon. Les gamins en avaient marre, après trois heures de classe. Ils avaient faim. Nous aussi d'ailleurs ! Tout cela n'était pas efficace. Juste après, ils avaient un service de cantine rien que pour eux, ce qui achevait de les marginaliser. " C'est toute la cadence qui s'accélère entre ce nouveau dispositif et les programmes de 2008. Ceux-là battent les records d'impopularité. Non seulement ils n'ont pas été allégés, mais rappellent à certains l'époque des porte-plumes et des bonnets d'âne. Ces programmes ont été " rédigés avec un grand amateurisme et s'avèrent inaccessibles pour un élève moyen ", à en croire Thierry Cadart, secrétaire général du SGEN. " Des textes bâclés, fondés sur un principe idéologique : répéter avant de comprendre ", selon son homologue du SNUipp, Gilles Moindrot.
UN MODE D'ACTION LÉGITIME ?
Un cours, une notion, des exercices, une évaluation. Compris ou pas, il faut avancer. Résultats, confient les profs : certains enfants qui étaient " limite " plongent. Un comble ! En instaurant le soutien et en réduisant le temps de classe hebdomadaire de deux heures, on crée les problèmes que l'on tente de résoudre. " Je dis stop. C'est du n'importe quoi ! " Et que l'on ne dise pas à Jean-Michel Soccoja, enseignant depuis vingt-sept ans, que les instits ne veulent jamais rien changer. Lui qui s'est jadis battu comme un beau diable pour être titularisé bien que cloué dans un fauteuil roulant, lui qui a enseigné plusieurs années en Amérique latine, n'est franchement pas du genre pantouflard.
Il aurait plutôt de l'énergie à revendre. " Bien sûr, assure-t-il avec force, qu'il faut améliorer l'école ! " Revenir aux 26 heures pour tous avec moins d'élèves par classe. Un vrai soutien pendant le temps scolaire, dispensé par le Rased. Davantage de psychologues, de médecins scolaires pour épauler les profs. Plus de concertation au sein de l'équipe pédagogique, de formation continue… " Mais ces mesures Darcos aberrantes, je ne peux pas les appliquer ! ", poursuit le directeur de l'école du Port-au-Blé. Un fonctionnaire doit-il obéir aux ordres de sa hiérarchie si sa conscience lui dicte le contraire ?
Voilà le débat lancé sur la légitimité de ce mode d'action. Les enseignants réunis savent leur position de fonctionnaires désobéissants difficile à tenir. Surtout lorsqu'il est question de refuser un soutien aux enfants en échec… Les syndicats, d'ailleurs, n'ont pas toujours accompagné ces initiatives d'un genre nouveau avec enthousiasme, leur préférant des actions plus collectives, moins exposées aux sanctions personnalisées, moins sujettes à critiques, surtout. Un fonctionnaire peut-il tout à la fois se poser comme défenseur du service public de l'éducation et s'autoriser lui-même à ne pas appliquer les textes officiels ?
" C'est vrai que c'est un principe à manier avec précaution, la désobéissance, reconnaît tout de suite Dominique Avril. Moi, je me dis plutôt en résistance. Je comprends que l'Etat prenne des sanctions. Mais il faut bien montrer notre réprobation envers cette politique… "
Ancienne infirmière psychiatrique, Bernadette Eleouet, 50 ans, enseignante en maternelle, assume plus aisément de désobéir. Car cette énième réforme venue d'en haut, alors que les enseignants ont peut-être leur petite idée sur les rythmes de l'enfant, a le don de l'exaspérer : " Quand on est autant engagé dans son métier, ce mépris est difficilement supportable. Je ne compte pas mes heures, je travaille tout le temps, même en vacances, même le midi. Parce que je me sens en dette envers l'école publique, moi qui viens d'un milieu populaire, qui suis la sixième d'une fratrie de sept enfants. Aujourd'hui, en écartant tout ce qui construit un citoyen, la culture, l'histoire, l'ouverture au monde, on ne donne plus aux enfants qui ne peuvent s'en sortir que par l'école le même espoir de réussite que celui que j'ai eu. Je ne peux pas cautionner ça ! "
Les premiers blogs de " résistance " sont apparus, à l'automne 2008, diablement efficaces pour populariser l'action des enseignants porte-drapeaux : Bastien Cazals, Alain Refalo… Puis se sont multipliées les lettres au ton grave envoyées solennellement à la hiérarchie de l'éducation nationale. Qu'elles émanent de maîtres isolés ou d'écoles entières, qu'elles s'en prennent au dispositif d'aide personnalisée ou aux nouveaux programmes, elles dénoncent toutes au final " la casse ", " le démantèlement " du service public.
Pour les plus critiques, il y a urgence : l'école – gratuite, laïque et obligatoire – est l'objet d'un plan d'attaque cohérent de la part du gouvernement. Les réformes qui ont plu sur le premier degré ces derniers mois ont en effet, par leur nombre, de quoi surprendre, au point d'apparaître un brin improvisées. En plus du soutien et des programmes, il y a eu, dans le désordre : l'instauration de cours pour les élèves pendant les vacances, l'accueil les jours de grève, la base informatique de recensement des enfants, des évaluations nationales en CE1 et CM2 très controversées, la disparition à terme des Rased, la fin des instituts de formation des maîtres (IUFM). Et encore les plaisanteries de Xavier Darcos sur la maternelle où l'on est très occupé à " changer les couches " des bambins, moqueries interprétées comme une lourde menace sur le pré-élémentaire. Le tout dans un contexte de sévères suppressions de postes.
PAROLE SYNDICALE " TROP FRILEUSE "
D'un bout à l'autre du territoire, les " résistants " tirent de cette succession de mesures et déclarations des conclusions radicales : si le gouvernement veut à tout crin démontrer que les résultats des élèves du public sont pires que médiocres, c'est afin d'accréditer l'idée qu'il est urgent et légitime de revoir à la baisse les moyens budgétaires d'un secteur si peu performant. D'autant qu'une fois plongés dans le doute, les parents ne manqueraient pas de se tourner en masse vers le privé.
Telle est l'analyse de l'équipe de l'école des Accoules, à Marseille. Entre les platanes, place des Moulins, il reste des fanions colorés d'une fête précédente. Les gens du coin ont disposé les bancs en carrés pour se parler plus à l'aise, tandis que leurs enfants jouent. L'endroit sert fréquemment de lieu de rencontres conviviales entre les enseignants et les parents du haut du Panier, la colline qui borde le Vieux-Port. Ce jour-là, malgré le froid qui pince, s'y tient la réunion de préparation du prochain conseil d'école. Comme ça, tout le monde peut parler devant la presse.
L'école – huit classes élémentaires avec vue sur la Méditerranée – est au diapason : un modèle de dialogue, un exemple de mixité sociale – qui voit se côtoyer enfants d'immigrés et d'artistes nouvellement installés dans le Panier rénové. Ici, la mobilisation en faveur d'écoliers sans papiers a contribué à souder les familles autour du groupe scolaire. La plupart des professeurs, expérimentés, y sont maîtres d'application, c'est-à-dire qu'ils forment les débutants. A ce titre, ils ne sont pas tenus d'exécuter les deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée. Ce qui ne signifie pas qu'ils n'ont pas d'élèves en difficulté, mais que l'administration n'a rien prévu dans leur cas.
Le dispositif d'aide a tout de même été mis en place à la rentrée. Mais à l'annonce de la suppression des postes de Rased, l'expérience a tourné court. Les enseignants ne se contentent plus de la parole syndicale, " trop frileuse ". Ils veulent autre chose, " poser un acte fort ", glisse Armelle, la professeure du CE2. " On avait l'air trop gentils avec nos ballons et nos manifs du mercredi. " En novembre, l'équipe exprime officiellement son refus de cautionner le dispositif de soutien auprès de l'inspecteur d'académie, grossissant ainsi les rangs des 157 " résistants " des Bouches-du-Rhône. Les signataires préfèrent continuer à aider leurs élèves en difficulté dans le cadre de leur classe et à privilégier " toutes les collaborations possibles avec les personnels spécialisés et les parents ".
LE MERCREDI EN QUESTION
Très au courant, ces derniers sont prêts à joindre leurs voix aux leurs. " Nous devons obtenir un enseignant en plus par cycle et le retour aux 26 heures par semaine pour tous les gamins. Assez du saupoudrage pour quelques-uns ! ", lance une mère sur la place. C'est aussi la position de la principale fédération de parents d'élèves, la FCPE. Profitant du cafouillage ambiant, l'organisation réclame un retour national aux 26 heures, réparties sur quatre jours et demi, mercredi compris, histoire de rééquilibrer la journée.
Les familles des Accoules, mobilisées, ont indiqué par écrit qu'elles ne veulent pas d'heure de soutien – ce qui, accessoirement, protège les intéressés des retenues de salaire. Toutes ont signé, sauf trois, précise Corinne Lefort, la directrice. Elle apprécie cette " connivence " qui n'était pas jouée d'emblée. Il y a dix ans, l'école était délaissée par les classes moyennes : Corinne s'est livrée avec ses collègues à " des opérations boutons de veste ", autrement dit, attraper les parents par le revers de la veste pour les convaincre de confier leurs enfants.
Souriante et déterminée, la directrice a de la bouteille, comme la plupart ici. Elle a commencé sa carrière en 1984 dans une ZUP de Strasbourg, avant d'exercer en Nouvelle-Calédonie. Armel Cornic, 38 ans, a enseigné au Mexique, Jean-Marc Donadieu, 57 ans, a connu une autre vie professionnelle avant de prendre en charge le CP, Eric Kayadjanian, quatorze ans d'ancienneté, vient de la banlieue parisienne… Ce dernier s'emporte contre les récentes mesures ministérielles : " C'est comme si on disait à un cancérologue d'en revenir aux bains de siège ! Tout ce que nous redoutions est arrivé en moins d'un an. "
" C'est la guerre à l'intelligence, renchérit Jean-Marc. Les ministres Robien et Ferry, eux, avaient gardé le cap de la qualité. " L'équipe reconnaît s'être inquiétée a priori des programmes de 2002, à tort. Dans sa lettre collective, elle indique qu'elle continuera à s'y référer, et dénonce ceux de 2008, trop " rétrogrades ". Surtout au chapitre de l'instruction civique. " Nous avons instauré l'habitude du débat institutionnalisé avec les enfants car le vivre ensemble était enfin inscrit dans les textes. Là, c'est le retour de la petite phrase de morale au tableau comme en 1927… "
Béatrice Audibert, l'une des rares à être syndiquée, est particulièrement remontée contre l'évaluation qu'elle a dû mener dans son CM2. Ce n'est pas la première fois que l'éducation nationale mesure le niveau des connaissances, soit sur de grands échantillons d'élèves, soit, nationalement, au niveau du CE2. Mais ces tests-là… D'abord, les questions qui portaient sur les acquisitions de toute l'année tombaient dès janvier. Ensuite, le logiciel d'enregistrement des résultats considérait de la même façon celui qui avait, par exemple, commis deux erreurs dans les dix opérations et celui qui n'en avait réussi aucune. Seules notes possibles : 1 ou 0. Passons sur les tricheries, le bachotage – les questions ont circulé à l'avance sur Internet. L'école des Accoules a remis ses résultats sans biaiser, mais sur papier et mélangés à ceux d'autres classes de Marseille, histoire d'empêcher tout classement établissement par établissement.
" Auparavant, nous corrigions ensemble, ce qui nous aidait dans l'élaboration de notre projet d'école. Maintenant l'administration verse une prime de 400 euros aux maîtres de CM2, juste pour diviser les équipes ! Nous n'en voulons pas ! " Ce cri du cœur a retenti dans nombre de salles des maîtres où certains se sont sentis blessés qu'on tente de les acheter, afin de les inciter à appliquer les réformes. Pour Béatrice, qui a trente-six ans d'ancienneté, le plus grave réside peut-être dans la mise au pas des approches pédagogiques. " J'ai un DEA en sciences de l'éducation, je pensais pouvoir continuer à enseigner en me fiant à mon expérience mais, avec leurs évaluations au CE1 et au CM2, ils m'imposent leurs méthodes et leurs rythmes. En conjugaison, par exemple. Ici, nous l'enseignons avec des phrases qui ont du sens. Leurs consignes à eux se limitent à : [je (prendre) plus-que-parfait]. Je prendre quoi ? Des riens du tout ! " Les collègues sourient.
" On en revient à avant les chercheurs en éducation, déplore l'un d'eux, à une époque où on n'essayait pas de pousser le gros d'une génération au-delà du certificat d'études. " Autant dire un esprit très éloigné de celui auquel ils aspirent. " Quand j'étais jeune, je croyais que l'école pourrait sauver le monde, confie Corinne Lefort. Mais lorsque je vois les 10 % d'enfants qui arrivent fracassés par la vie, je constate qu'il faudrait des moyens énormes pour les tirer vraiment vers le haut. " Qui serait prêt à les mettre ?
NE RIEN CAUTIONNER
Autre haut lieu de la contestation, la maternelle Octobre d'Alfortville (Val-de-Marne), en région parisienne. Une école elle aussi qualifiée d'" idéale " par son équipe enseignante, dans un quartier où s'entremêlent barres HLM, pavillons et immeubles de standing, enfants défavorisés et plus chanceux. 25 élèves par classe, puisqu'elle se situe en ZEP, et des professeurs enthousiastes, en recherche constante de nouvelles façons de travailler. Sur dix enseignants susceptibles d'assurer le soutien (bel et bien prévu dans les textes dès la maternelle), cinq s'y refusent. Toutes des femmes. Leurs collègues, nous assurent-elles, approuvent le mouvement mais ne peuvent en assumer les conséquences financières – retrait prévu d'un demi-mois de salaire en juillet.
" Nous ne sommes pas devenues fonctionnaires pour être planquées mais parce que l'éducation nous passionne. Elle est pour nous un engagement citoyen. C'est pour ça que nous sommes en résistance. Nous désobéissons car nos idées sur l'éducation, le service public, l'égalité des chances, sont bafouées ", pose, calme et sûre d'elle, Cécile Hassibi, institutrice en petite et moyenne section. L'heure est grave.
Aux yeux de l'équipe, les réformes gouvernementales perturbent le précieux équilibre trouvé après des années de travail pour reconstruire la réputation de l'école. L'aide individualisée, d'abord. L'organisation avait été soigneusement pensée afin de ne laisser aucun élève de côté : petits et moyens sont systématiquement mêlés. L'après-midi, quand les plus jeunes font la sieste, ne reste qu'une douzaine de moyens par classe, qu'il devient possible de suivre de près. " Cela permet aussi de profiter des interactions entre les enfants. Dans cette hétérogénéité, chacun trouve à apprendre ", plaide une jeune institutrice de petite-moyenne section, Marion Audrain.
En isolant pour un soutien, on perd cette dynamique. On stigmatise. On risque de changer le regard des parents sur l'enfant, dès son plus jeune âge. " Et puis, rien n'est défini, on est dans le flou total, poursuit-elle. On ne peut pas imaginer ce soutien pour des petits de 3 ou 4 ans, qui sont déjà six heures par jour à l'école… Même les 5-6 ans s'endorment sur les bancs en fin de matinée ou à 16 h 30 quand on leur raconte une histoire ! "
Sans compter que, sans cadre national, toutes les dérives sont possibles. Comme proposer du soutien à ceux de grande section qui, en début d'année, ne maîtrisent pas le nom des lettres et la reconnaissance de l'écriture chiffrée. " Alors qu'ils ont toute l'année pour s'y mettre ! " Pendant les heures prévues pour l'aide individualisée, les résistantes se retrouvent pour parler de projets pédagogiques, ce qu'elles n'ont plus le loisir de faire le samedi matin. Elles tiennent à ne proposer aucune solution acceptable par l'inspection académique, ce qui, à leurs yeux, reviendrait à cautionner le pire de tout, dans cette réforme : la suppression annoncée des Rased, ces interlocuteurs précieux auprès desquels elles " vident leur sac " et prennent conseil.
Les nouveaux programmes ? Elles en rient : " C'est d'une telle indigence, par comparaison avec ceux de 2002 ! Au printemps dernier, on a voulu réfléchir dessus, mais au bout de dix minutes, on n'avait plus rien à se dire… " Elles en pleurent : " Un petit fascicule a remplacé un livre et ses documents d'accompagnement. Avant, on avait le détail des compétences à acquérir dans chaque grand domaine d'apprentissage, des mises en situation… Là, plus rien. "
Elles continuent donc d'appliquer les anciens programmes " plus riches, plus exigeants. On ne va pas nous sanctionner là-dessus ! ". A présent, le chapitre " Vivre ensemble " s'intitule " Devenir élève ". Il y a des listes de mots à apprendre. L'accent est mis sur la morale, la politesse. La grande section tend à se transformer en CP. " Phénoménal retour en arrière ! ", pour la directrice de l'école, Armelle Narmy, 56 ans, dont les longues années d'enseignement n'ont en rien émoussé l'enthousiasme. Cette fois-ci, pourtant, elle désespère bel et bien de l'éducation nationale. " On balaie tout ce que les pédagogues ont compris ces dernières décennies sur la manière dont les enfants apprennent. En 1989, avec l'instauration des cycles, l'élève pouvait acquérir des compétences, à son rythme, sur plusieurs années. Maintenant il faut remplir, remplir, remplir les têtes, soi-disant pour qu'il n'y ait plus d'échec. Mais si l'enfant n'est pas prêt, ça ne marche pas ! "
Un peu comme si l'école pouvait s'offrir le luxe de se priver des avancées – réelles – de la recherche en éducation.
Pascale Krémer et Martine Valo
L'école fait de la résistance
LE MONDE 2 | 20.03.09
A l'évidence, la presse n'est pas la bienvenue. Une demande de reportage dans les écoles primaires de Rezé, petite ville paisible de la banlieue sud de Nantes, se solde sous vingt-quatre heures par une réponse sans appel. " Vous n'avez pas le droit d'aller dans l'école demandée. Ni dans aucune autre de la ville. Ni du département. " Visiblement, l'inspecteur d'académie de Loire-Atlantique ne tient pas trop à ce qu'on raconte qu'à Rezé, sur 140 professeurs des écoles, 80 sont des " résistants " déclarés. Qu'on en dénombre même plusieurs centaines dans le département – en France, ils sont quelque 2 000.
Qu'ils se disent " résistants ", " désobéisseurs " ou " objecteurs de réforme ", ces enseignants du primaire sont entrés en rébellion il y a bientôt un an pour les premiers. Tout fonctionnaires de l'éducation nationale qu'ils soient, l'exaspération est telle qu'ils refusent d'appliquer les instructions de leur hiérarchie. Malgré les retenues sur salaire qui frappent quelques-uns, de Paris à Marseille, malgré les lettres nominatives, ils s'obstinent à ne pas vouloir mettre en place, notamment, les deux heures hebdomadaires de soutien individualisé pour les élèves en difficulté. Dernière manifestation en date, selon eux, d'une volonté gouvernementale de démembrement du service public de l'éducation.
C'est donc chez un particulier que nous rencontrons une grosse poignée d'enseignants de Rezé. Ils sont d'âges, d'écoles et de syndicats différents mais se connaissent bien, habitent là pour la plupart et se sont initiés à l'action collective au début des années 2000, lorsqu'il a fallu se battre contre les sous-effectifs enseignants. Ils ont donc tôt fait d'entrer en résistance, toutes les écoles de la ville (sauf une) refusant dès avril 2008 d'envoyer à l'inspection leur projet d'organisation de l'aide personnalisée.
" A quoi en sommes-nous réduits ! " Au milieu de la rue, en soirée, alors que s'improvise pour nous une séance photo, ils pestent, ces professeurs " désobéisseurs " des écoles maternelles ou élémentaires, contre " une forte ambiance répressive ", contre ce " devoir de réserve " avec lequel on ne cesse de les " seriner ". Un collègue vient de recevoir un blâme pour avoir parlé à un journaliste au sein de son établissement. Un autre est poursuivi pour avoir bousculé un CRS lors d'une occupation de l'inspection académique.
Après avoir fait la tournée des écoles, déclaré à chaque équipe enseignante qu'elle était la dernière à ne pas avoir mis en place l'aide individualisée (" Malheureusement pour lui, on communique entre nous ! "), l'inspecteur de circonscription promet désormais des visites surprises pendant les heures prévues pour ce soutien. Les menaces de sanctions financières et administratives se font plus pressantes. Sans compter que, dans les écoles, la réforme a parfois semé la zizanie entre collègues. Bref, l'ambiance est tendue et la lassitude gagne.
" Désormais, tous les projets alternatifs au soutien individualisé que l'inspecteur de circonscription refusait en septembre, il les accepte, tout ça pour diminuer officiellement le nombre de désobéisseurs !, s'agace Jean-Michel Soccoja, directeur d'école et enseignant en CE2-CM1. Deux heures à jouer aux échecs ou à faire du théâtre ? Pas de problème du moment que le prof est devant les enfants. " " On proposerait de construire une cave à vin, il accepterait ! ", lance une de ses collègues, qui provoque l'hilarité.
INORGANISATION MANIFESTE
Au plan national, l'histoire avec Xavier Darcos avait pourtant bien commencé, lorsque le ministre de l'éducation nationale avait annoncé, en 2007, la fin de la classe le samedi matin pour la rentrée suivante. La perspective d'un vrai week-end avait réjoui nombre d'enseignants et de parents. Jusqu'à ce que les seconds s'aperçoivent que cette mesure populaire les privait de leur principale occasion de rencontrer les premiers. Jusqu'à ce qu'ensuite chacun se demande comment tenir les contenus des programmes en 24 heures de cours par semaine au lieu de 26.
De plus ou moins bonne grâce, les écoles ont cependant testé le dispositif d'aide aux élèves en difficulté qui s'ajoute au temps de la classe, à midi ou en fin d'après-midi. Seuls ou par petits groupes, les élèves bénéficient de quatre demi-heures de soutien. Dans son principe – donner plus aux enfants qui en ont le plus besoin –, l'idée pouvait séduire les partisans de l'équité. Las, dans la pratique, l'initiative lancée à la va-vite ne va pas de soi. Comment les enfants, qui ont du mal à se concentrer pendant les six heures d'une journée de classe classique – la plus longue d'Europe –, peuvent-ils avaler une demi-heure supplémentaire ? Les consignes varient selon les académies, l'inorganisation est manifeste, le résultat inégal. Tandis que certains maîtres trouvent leur compte dans ce tête-à-tête avec l'élève, d'autres ont discrètement oublié de recruter des candidats au soutien au deuxième trimestre. Les derniers, une minorité, se rebiffent et le revendiquent. Avec d'autant plus de conviction que ce dispositif d'aide personnalisée devait se solder par la suppression de 3 000 postes au sein des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). La mise en cause de ce corps de professionnels spécifiquement formés a électrisé l'école et alerté les parents (lire ci-contre), au point de faire en partie reculer le ministère.
A Rezé, les instits aujourd'hui résistants avaient parfois commencé le soutien en septembre. Bilan ? Un fiasco, tranchent-ils. Il y a tant d'effets pervers ! Dans les petites écoles, on s'invente des enfants en difficulté. Dans les grosses, on ne peut en aider qu'une petite poignée alors que toute la classe aurait parfois besoin de davantage d'attention. Comment choisir ?
Les parents arrêtent l'orthophoniste ou le pédopsychiatre parce que l'école, c'est plus important. Attendent une demi-heure dans la voiture à midi, avec frères et sœurs à l'arrière. Surtout, nous dit-on, l'actuelle organisation sur quatre jours, avec les nouveaux programmes, a enclenché une course contre la montre permanente. Plus le temps de parler aux parents. A midi, le soir, il faut vite lâcher les élèves pour aller dispenser ces cours supplémentaires. Plus le temps, non plus, de se concerter entre collègues, de développer un projet d'école. Déjeuners au lance-pierre, journées à rallonge… Les enseignants s'épuisent. Les enfants aussi.
" On a tenté un soutien à 17 heures. Deux à trois enfants pour quarante minutes intensives. Mais ces élèves en difficulté, qui ont déjà des problèmes de concentration, étaient très fatigués, et dans la foulée ils devaient encore faire leurs devoirs ", témoigne le très pondéré Dominique Avril, de l'école Château-Sud. " Nous, c'était le midi, poursuit un collègue plus jeune et plus fougueux, Jean-Baptiste Cochereau, de l'école Ragon. Les gamins en avaient marre, après trois heures de classe. Ils avaient faim. Nous aussi d'ailleurs ! Tout cela n'était pas efficace. Juste après, ils avaient un service de cantine rien que pour eux, ce qui achevait de les marginaliser. " C'est toute la cadence qui s'accélère entre ce nouveau dispositif et les programmes de 2008. Ceux-là battent les records d'impopularité. Non seulement ils n'ont pas été allégés, mais rappellent à certains l'époque des porte-plumes et des bonnets d'âne. Ces programmes ont été " rédigés avec un grand amateurisme et s'avèrent inaccessibles pour un élève moyen ", à en croire Thierry Cadart, secrétaire général du SGEN. " Des textes bâclés, fondés sur un principe idéologique : répéter avant de comprendre ", selon son homologue du SNUipp, Gilles Moindrot.
UN MODE D'ACTION LÉGITIME ?
Un cours, une notion, des exercices, une évaluation. Compris ou pas, il faut avancer. Résultats, confient les profs : certains enfants qui étaient " limite " plongent. Un comble ! En instaurant le soutien et en réduisant le temps de classe hebdomadaire de deux heures, on crée les problèmes que l'on tente de résoudre. " Je dis stop. C'est du n'importe quoi ! " Et que l'on ne dise pas à Jean-Michel Soccoja, enseignant depuis vingt-sept ans, que les instits ne veulent jamais rien changer. Lui qui s'est jadis battu comme un beau diable pour être titularisé bien que cloué dans un fauteuil roulant, lui qui a enseigné plusieurs années en Amérique latine, n'est franchement pas du genre pantouflard.
Il aurait plutôt de l'énergie à revendre. " Bien sûr, assure-t-il avec force, qu'il faut améliorer l'école ! " Revenir aux 26 heures pour tous avec moins d'élèves par classe. Un vrai soutien pendant le temps scolaire, dispensé par le Rased. Davantage de psychologues, de médecins scolaires pour épauler les profs. Plus de concertation au sein de l'équipe pédagogique, de formation continue… " Mais ces mesures Darcos aberrantes, je ne peux pas les appliquer ! ", poursuit le directeur de l'école du Port-au-Blé. Un fonctionnaire doit-il obéir aux ordres de sa hiérarchie si sa conscience lui dicte le contraire ?
Voilà le débat lancé sur la légitimité de ce mode d'action. Les enseignants réunis savent leur position de fonctionnaires désobéissants difficile à tenir. Surtout lorsqu'il est question de refuser un soutien aux enfants en échec… Les syndicats, d'ailleurs, n'ont pas toujours accompagné ces initiatives d'un genre nouveau avec enthousiasme, leur préférant des actions plus collectives, moins exposées aux sanctions personnalisées, moins sujettes à critiques, surtout. Un fonctionnaire peut-il tout à la fois se poser comme défenseur du service public de l'éducation et s'autoriser lui-même à ne pas appliquer les textes officiels ?
" C'est vrai que c'est un principe à manier avec précaution, la désobéissance, reconnaît tout de suite Dominique Avril. Moi, je me dis plutôt en résistance. Je comprends que l'Etat prenne des sanctions. Mais il faut bien montrer notre réprobation envers cette politique… "
Ancienne infirmière psychiatrique, Bernadette Eleouet, 50 ans, enseignante en maternelle, assume plus aisément de désobéir. Car cette énième réforme venue d'en haut, alors que les enseignants ont peut-être leur petite idée sur les rythmes de l'enfant, a le don de l'exaspérer : " Quand on est autant engagé dans son métier, ce mépris est difficilement supportable. Je ne compte pas mes heures, je travaille tout le temps, même en vacances, même le midi. Parce que je me sens en dette envers l'école publique, moi qui viens d'un milieu populaire, qui suis la sixième d'une fratrie de sept enfants. Aujourd'hui, en écartant tout ce qui construit un citoyen, la culture, l'histoire, l'ouverture au monde, on ne donne plus aux enfants qui ne peuvent s'en sortir que par l'école le même espoir de réussite que celui que j'ai eu. Je ne peux pas cautionner ça ! "
Les premiers blogs de " résistance " sont apparus, à l'automne 2008, diablement efficaces pour populariser l'action des enseignants porte-drapeaux : Bastien Cazals, Alain Refalo… Puis se sont multipliées les lettres au ton grave envoyées solennellement à la hiérarchie de l'éducation nationale. Qu'elles émanent de maîtres isolés ou d'écoles entières, qu'elles s'en prennent au dispositif d'aide personnalisée ou aux nouveaux programmes, elles dénoncent toutes au final " la casse ", " le démantèlement " du service public.
Pour les plus critiques, il y a urgence : l'école – gratuite, laïque et obligatoire – est l'objet d'un plan d'attaque cohérent de la part du gouvernement. Les réformes qui ont plu sur le premier degré ces derniers mois ont en effet, par leur nombre, de quoi surprendre, au point d'apparaître un brin improvisées. En plus du soutien et des programmes, il y a eu, dans le désordre : l'instauration de cours pour les élèves pendant les vacances, l'accueil les jours de grève, la base informatique de recensement des enfants, des évaluations nationales en CE1 et CM2 très controversées, la disparition à terme des Rased, la fin des instituts de formation des maîtres (IUFM). Et encore les plaisanteries de Xavier Darcos sur la maternelle où l'on est très occupé à " changer les couches " des bambins, moqueries interprétées comme une lourde menace sur le pré-élémentaire. Le tout dans un contexte de sévères suppressions de postes.
PAROLE SYNDICALE " TROP FRILEUSE "
D'un bout à l'autre du territoire, les " résistants " tirent de cette succession de mesures et déclarations des conclusions radicales : si le gouvernement veut à tout crin démontrer que les résultats des élèves du public sont pires que médiocres, c'est afin d'accréditer l'idée qu'il est urgent et légitime de revoir à la baisse les moyens budgétaires d'un secteur si peu performant. D'autant qu'une fois plongés dans le doute, les parents ne manqueraient pas de se tourner en masse vers le privé.
Telle est l'analyse de l'équipe de l'école des Accoules, à Marseille. Entre les platanes, place des Moulins, il reste des fanions colorés d'une fête précédente. Les gens du coin ont disposé les bancs en carrés pour se parler plus à l'aise, tandis que leurs enfants jouent. L'endroit sert fréquemment de lieu de rencontres conviviales entre les enseignants et les parents du haut du Panier, la colline qui borde le Vieux-Port. Ce jour-là, malgré le froid qui pince, s'y tient la réunion de préparation du prochain conseil d'école. Comme ça, tout le monde peut parler devant la presse.
L'école – huit classes élémentaires avec vue sur la Méditerranée – est au diapason : un modèle de dialogue, un exemple de mixité sociale – qui voit se côtoyer enfants d'immigrés et d'artistes nouvellement installés dans le Panier rénové. Ici, la mobilisation en faveur d'écoliers sans papiers a contribué à souder les familles autour du groupe scolaire. La plupart des professeurs, expérimentés, y sont maîtres d'application, c'est-à-dire qu'ils forment les débutants. A ce titre, ils ne sont pas tenus d'exécuter les deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée. Ce qui ne signifie pas qu'ils n'ont pas d'élèves en difficulté, mais que l'administration n'a rien prévu dans leur cas.
Le dispositif d'aide a tout de même été mis en place à la rentrée. Mais à l'annonce de la suppression des postes de Rased, l'expérience a tourné court. Les enseignants ne se contentent plus de la parole syndicale, " trop frileuse ". Ils veulent autre chose, " poser un acte fort ", glisse Armelle, la professeure du CE2. " On avait l'air trop gentils avec nos ballons et nos manifs du mercredi. " En novembre, l'équipe exprime officiellement son refus de cautionner le dispositif de soutien auprès de l'inspecteur d'académie, grossissant ainsi les rangs des 157 " résistants " des Bouches-du-Rhône. Les signataires préfèrent continuer à aider leurs élèves en difficulté dans le cadre de leur classe et à privilégier " toutes les collaborations possibles avec les personnels spécialisés et les parents ".
LE MERCREDI EN QUESTION
Très au courant, ces derniers sont prêts à joindre leurs voix aux leurs. " Nous devons obtenir un enseignant en plus par cycle et le retour aux 26 heures par semaine pour tous les gamins. Assez du saupoudrage pour quelques-uns ! ", lance une mère sur la place. C'est aussi la position de la principale fédération de parents d'élèves, la FCPE. Profitant du cafouillage ambiant, l'organisation réclame un retour national aux 26 heures, réparties sur quatre jours et demi, mercredi compris, histoire de rééquilibrer la journée.
Les familles des Accoules, mobilisées, ont indiqué par écrit qu'elles ne veulent pas d'heure de soutien – ce qui, accessoirement, protège les intéressés des retenues de salaire. Toutes ont signé, sauf trois, précise Corinne Lefort, la directrice. Elle apprécie cette " connivence " qui n'était pas jouée d'emblée. Il y a dix ans, l'école était délaissée par les classes moyennes : Corinne s'est livrée avec ses collègues à " des opérations boutons de veste ", autrement dit, attraper les parents par le revers de la veste pour les convaincre de confier leurs enfants.
Souriante et déterminée, la directrice a de la bouteille, comme la plupart ici. Elle a commencé sa carrière en 1984 dans une ZUP de Strasbourg, avant d'exercer en Nouvelle-Calédonie. Armel Cornic, 38 ans, a enseigné au Mexique, Jean-Marc Donadieu, 57 ans, a connu une autre vie professionnelle avant de prendre en charge le CP, Eric Kayadjanian, quatorze ans d'ancienneté, vient de la banlieue parisienne… Ce dernier s'emporte contre les récentes mesures ministérielles : " C'est comme si on disait à un cancérologue d'en revenir aux bains de siège ! Tout ce que nous redoutions est arrivé en moins d'un an. "
" C'est la guerre à l'intelligence, renchérit Jean-Marc. Les ministres Robien et Ferry, eux, avaient gardé le cap de la qualité. " L'équipe reconnaît s'être inquiétée a priori des programmes de 2002, à tort. Dans sa lettre collective, elle indique qu'elle continuera à s'y référer, et dénonce ceux de 2008, trop " rétrogrades ". Surtout au chapitre de l'instruction civique. " Nous avons instauré l'habitude du débat institutionnalisé avec les enfants car le vivre ensemble était enfin inscrit dans les textes. Là, c'est le retour de la petite phrase de morale au tableau comme en 1927… "
Béatrice Audibert, l'une des rares à être syndiquée, est particulièrement remontée contre l'évaluation qu'elle a dû mener dans son CM2. Ce n'est pas la première fois que l'éducation nationale mesure le niveau des connaissances, soit sur de grands échantillons d'élèves, soit, nationalement, au niveau du CE2. Mais ces tests-là… D'abord, les questions qui portaient sur les acquisitions de toute l'année tombaient dès janvier. Ensuite, le logiciel d'enregistrement des résultats considérait de la même façon celui qui avait, par exemple, commis deux erreurs dans les dix opérations et celui qui n'en avait réussi aucune. Seules notes possibles : 1 ou 0. Passons sur les tricheries, le bachotage – les questions ont circulé à l'avance sur Internet. L'école des Accoules a remis ses résultats sans biaiser, mais sur papier et mélangés à ceux d'autres classes de Marseille, histoire d'empêcher tout classement établissement par établissement.
" Auparavant, nous corrigions ensemble, ce qui nous aidait dans l'élaboration de notre projet d'école. Maintenant l'administration verse une prime de 400 euros aux maîtres de CM2, juste pour diviser les équipes ! Nous n'en voulons pas ! " Ce cri du cœur a retenti dans nombre de salles des maîtres où certains se sont sentis blessés qu'on tente de les acheter, afin de les inciter à appliquer les réformes. Pour Béatrice, qui a trente-six ans d'ancienneté, le plus grave réside peut-être dans la mise au pas des approches pédagogiques. " J'ai un DEA en sciences de l'éducation, je pensais pouvoir continuer à enseigner en me fiant à mon expérience mais, avec leurs évaluations au CE1 et au CM2, ils m'imposent leurs méthodes et leurs rythmes. En conjugaison, par exemple. Ici, nous l'enseignons avec des phrases qui ont du sens. Leurs consignes à eux se limitent à : [je (prendre) plus-que-parfait]. Je prendre quoi ? Des riens du tout ! " Les collègues sourient.
" On en revient à avant les chercheurs en éducation, déplore l'un d'eux, à une époque où on n'essayait pas de pousser le gros d'une génération au-delà du certificat d'études. " Autant dire un esprit très éloigné de celui auquel ils aspirent. " Quand j'étais jeune, je croyais que l'école pourrait sauver le monde, confie Corinne Lefort. Mais lorsque je vois les 10 % d'enfants qui arrivent fracassés par la vie, je constate qu'il faudrait des moyens énormes pour les tirer vraiment vers le haut. " Qui serait prêt à les mettre ?
NE RIEN CAUTIONNER
Autre haut lieu de la contestation, la maternelle Octobre d'Alfortville (Val-de-Marne), en région parisienne. Une école elle aussi qualifiée d'" idéale " par son équipe enseignante, dans un quartier où s'entremêlent barres HLM, pavillons et immeubles de standing, enfants défavorisés et plus chanceux. 25 élèves par classe, puisqu'elle se situe en ZEP, et des professeurs enthousiastes, en recherche constante de nouvelles façons de travailler. Sur dix enseignants susceptibles d'assurer le soutien (bel et bien prévu dans les textes dès la maternelle), cinq s'y refusent. Toutes des femmes. Leurs collègues, nous assurent-elles, approuvent le mouvement mais ne peuvent en assumer les conséquences financières – retrait prévu d'un demi-mois de salaire en juillet.
" Nous ne sommes pas devenues fonctionnaires pour être planquées mais parce que l'éducation nous passionne. Elle est pour nous un engagement citoyen. C'est pour ça que nous sommes en résistance. Nous désobéissons car nos idées sur l'éducation, le service public, l'égalité des chances, sont bafouées ", pose, calme et sûre d'elle, Cécile Hassibi, institutrice en petite et moyenne section. L'heure est grave.
Aux yeux de l'équipe, les réformes gouvernementales perturbent le précieux équilibre trouvé après des années de travail pour reconstruire la réputation de l'école. L'aide individualisée, d'abord. L'organisation avait été soigneusement pensée afin de ne laisser aucun élève de côté : petits et moyens sont systématiquement mêlés. L'après-midi, quand les plus jeunes font la sieste, ne reste qu'une douzaine de moyens par classe, qu'il devient possible de suivre de près. " Cela permet aussi de profiter des interactions entre les enfants. Dans cette hétérogénéité, chacun trouve à apprendre ", plaide une jeune institutrice de petite-moyenne section, Marion Audrain.
En isolant pour un soutien, on perd cette dynamique. On stigmatise. On risque de changer le regard des parents sur l'enfant, dès son plus jeune âge. " Et puis, rien n'est défini, on est dans le flou total, poursuit-elle. On ne peut pas imaginer ce soutien pour des petits de 3 ou 4 ans, qui sont déjà six heures par jour à l'école… Même les 5-6 ans s'endorment sur les bancs en fin de matinée ou à 16 h 30 quand on leur raconte une histoire ! "
Sans compter que, sans cadre national, toutes les dérives sont possibles. Comme proposer du soutien à ceux de grande section qui, en début d'année, ne maîtrisent pas le nom des lettres et la reconnaissance de l'écriture chiffrée. " Alors qu'ils ont toute l'année pour s'y mettre ! " Pendant les heures prévues pour l'aide individualisée, les résistantes se retrouvent pour parler de projets pédagogiques, ce qu'elles n'ont plus le loisir de faire le samedi matin. Elles tiennent à ne proposer aucune solution acceptable par l'inspection académique, ce qui, à leurs yeux, reviendrait à cautionner le pire de tout, dans cette réforme : la suppression annoncée des Rased, ces interlocuteurs précieux auprès desquels elles " vident leur sac " et prennent conseil.
Les nouveaux programmes ? Elles en rient : " C'est d'une telle indigence, par comparaison avec ceux de 2002 ! Au printemps dernier, on a voulu réfléchir dessus, mais au bout de dix minutes, on n'avait plus rien à se dire… " Elles en pleurent : " Un petit fascicule a remplacé un livre et ses documents d'accompagnement. Avant, on avait le détail des compétences à acquérir dans chaque grand domaine d'apprentissage, des mises en situation… Là, plus rien. "
Elles continuent donc d'appliquer les anciens programmes " plus riches, plus exigeants. On ne va pas nous sanctionner là-dessus ! ". A présent, le chapitre " Vivre ensemble " s'intitule " Devenir élève ". Il y a des listes de mots à apprendre. L'accent est mis sur la morale, la politesse. La grande section tend à se transformer en CP. " Phénoménal retour en arrière ! ", pour la directrice de l'école, Armelle Narmy, 56 ans, dont les longues années d'enseignement n'ont en rien émoussé l'enthousiasme. Cette fois-ci, pourtant, elle désespère bel et bien de l'éducation nationale. " On balaie tout ce que les pédagogues ont compris ces dernières décennies sur la manière dont les enfants apprennent. En 1989, avec l'instauration des cycles, l'élève pouvait acquérir des compétences, à son rythme, sur plusieurs années. Maintenant il faut remplir, remplir, remplir les têtes, soi-disant pour qu'il n'y ait plus d'échec. Mais si l'enfant n'est pas prêt, ça ne marche pas ! "
Un peu comme si l'école pouvait s'offrir le luxe de se priver des avancées – réelles – de la recherche en éducation.
Pascale Krémer et Martine Valo
mardi 24 mars 2009
Réponse à Darcos qui minimise la désobéissance des profs
Mardi 24 mars, Xavier Darcos, interviewé à la matinale de France Inter, a voulu minimiser l'impact de ceux qu'on appelle depuis quelques mois « les professeurs désobéissants ». D'un revers de la manche, le ministre de l'Education a rétorqué : « Je trouve qu'on en parle beaucoup. Ils sont 2000, j'aimerais bien qu'on parle des 358 000 professeurs qui au quotidien font leur métier. » (Voir la vidéo, aux environs d'1 minute 50)
Sur le terrain, ces 2000 enseignants réfractaires qui militent contre la « base-élèves » ou la réforme de l'aide aux élèves en difficulté sont pourtant de plus en plus soutenus par les parents d'élèves, qui prennent souvent le relais en cas de sanctions de l'administration.
Alors qu'une nouvelle fronde grossit au gré des semaines, contre l'évaluation des élèves de CM2 en milieu d'année, Caro, riveraine que vous connaissez, nous a envoyé ce témoignage co-signé avec Mireille Charpy et Jean-Yves Le Gall, directeurs d’école mobilisés dont Rue89 vous parlait dès le mois de novembre. Voici leur texte.
Des directeurs d’école résistent encore à la « base élèves » et aux pressions de l’inspection académique. Ils refusent de mettre les enfants en fiches pour… trente-cinq ans. Où en est la résistance en ce mois de mars 2009 ?
182 directeurs d’école se sont déclarés publiquement contre la « base élèves » malgré les menaces de leur administration. Le département de l’Isère a l’air de servir d’expérimentation. La nouvelle inspectrice d’académie exerce des pressions très importantes sur les récalcitrants, tel Jean-Yves Le Gall, convoqué le 29 janvier. Il a réitéré son refus de remplir et renseigner base-élèves et a reçu un ultimatum, s’il ne la remplit pas avant le 27 mars, il perdra son poste de directeur à la prochaine rentrée.
Des postes de direction disparaissent par la fusion des écoles maternelles et primaires. Des directeurs d’école rétifs ont été convoqués le vendredi 13 mars pour une formation individualisée au logiciel Base élèves. Ils ne s’y rendront pas, motivant leur refus dans une lettre collective et invoquent la date funeste…
Pressions de la hiérarchie contre soutien citoyen
D’autres déjà « formés » sont sommés de remplir la base de données avant le 23 mars et subissent des pressions énormes pour demander leur mutation. Une réunion de soutien à Jean-Yves Le Gall s’est tenue le 14 mars, dans le petit village de Notre-Dame-de-Vaulx, sur le plateau de la Matheysine, à trente kilomètres de Grenoble. 200 à 300 personnes suivant les sources s’y sont retrouvées : directeurs d’autres écoles, enseignants, parents d’élèves, élus, syndicalistes, membres d’associations diverses et simples citoyens venus en soutien.
Au milieu des informations, affichées tout au long du grillage, et des banderolles, des prises de parole très fortes. Jean-Yves Le Gall réitère son refus de ficher les enfants. Il soutient notamment que les données personnelles ne devraient pas sortir de l’école. A partir du moment où les élèves sont rentrés dans le fichier, tout est possible, y compris le pire… et il y a lieu de s’inquiéter de cela dans un monde où la vie privée des personnes est de plus en plus difficile à protéger.
La multiplication des instruments de contrôle social est déjà très inquiétante… mais élargir ceux-ci à l’enfance est proprement intolérable. Les enfants ne sont pas des citoyens et n’ont pas le statut juridique pour rendre des comptes à la collectivité. Ils doivent être protégés et non fichés. Or dans la base élèves, ils sont inscrits d’autorité sans que le droit d’opposition de leurs parents ne puisse s’appliquer.
Plusieurs élus de la Matheysine apportent le soutien de leurs conseils municipaux. Ils relient cette sanction à la casse de l’Education nationale, engendrée aussi par la disparition des Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, que Xavier Darcos veut supprimer) des écoles dont ils ont la charge.
Côté politique, le conseiller général du canton, la suppléante du député de la circonscription et une sénatrice expriment leur soutien et, côté syndicats, interviennent la secrétaire départementale du syndicat enseignant SNUIPP-Isère, celui du PAS et un syndicaliste de l’UL CGT.
La « base élèves », une violation aux conventions internationales
Plusieurs directeurs d’école « rétifs » expliquent les motifs de leur refus sur le plan éthique et un enseignant de la Drôme apporte symboliquement le soutien du collectif national. Deux recours devant le Conseil d’Etat ont été déposés contre la « base élèves », l’un contre les actes engagés dès 2004, l’autre contre l’arrêté du 20 octobre 2008, pris quatre ans après avoir démarré la collecte de données personnelles.
Le requérant souligne les nombreuses irrégularités autour de ce fichage : absence d’information des familles, interconnexion des bases élèves avec la Base nationale des identifiants des élèves (BNIE) cachée aux enseignants et aux familles. La « base élèves » serait une violation aux conventions internationales. L’arrêté rejette, sans justification, le droit d’opposition des personnes à figurer dans ce fichier.
Une table ronde était organisée pour parler de tous les fichages liberticides mis en place ou à venir et leur interconnexion, entre autres, Sconet (Scolarité sur le net) concerne tous les élèves du collège et du lycée. Des champs supprimés de la « base élèves » y figurent comme la nationalité, les fiches nominatives remontent au rectorat, il comporte la gestion de l’élève, les bourses, les absences et retards… Un informaticien remarquait qu’il n’était nul besoin de données nominatives pour établir des statistiques. Alors… ?
Caro, Mireille Charpy, directrice d’école retraitée, et Jean-Yves Le Gall, directeur d’école
Source : RUE89
Sur le terrain, ces 2000 enseignants réfractaires qui militent contre la « base-élèves » ou la réforme de l'aide aux élèves en difficulté sont pourtant de plus en plus soutenus par les parents d'élèves, qui prennent souvent le relais en cas de sanctions de l'administration.
Alors qu'une nouvelle fronde grossit au gré des semaines, contre l'évaluation des élèves de CM2 en milieu d'année, Caro, riveraine que vous connaissez, nous a envoyé ce témoignage co-signé avec Mireille Charpy et Jean-Yves Le Gall, directeurs d’école mobilisés dont Rue89 vous parlait dès le mois de novembre. Voici leur texte.
Des directeurs d’école résistent encore à la « base élèves » et aux pressions de l’inspection académique. Ils refusent de mettre les enfants en fiches pour… trente-cinq ans. Où en est la résistance en ce mois de mars 2009 ?
182 directeurs d’école se sont déclarés publiquement contre la « base élèves » malgré les menaces de leur administration. Le département de l’Isère a l’air de servir d’expérimentation. La nouvelle inspectrice d’académie exerce des pressions très importantes sur les récalcitrants, tel Jean-Yves Le Gall, convoqué le 29 janvier. Il a réitéré son refus de remplir et renseigner base-élèves et a reçu un ultimatum, s’il ne la remplit pas avant le 27 mars, il perdra son poste de directeur à la prochaine rentrée.
Des postes de direction disparaissent par la fusion des écoles maternelles et primaires. Des directeurs d’école rétifs ont été convoqués le vendredi 13 mars pour une formation individualisée au logiciel Base élèves. Ils ne s’y rendront pas, motivant leur refus dans une lettre collective et invoquent la date funeste…
Pressions de la hiérarchie contre soutien citoyen
D’autres déjà « formés » sont sommés de remplir la base de données avant le 23 mars et subissent des pressions énormes pour demander leur mutation. Une réunion de soutien à Jean-Yves Le Gall s’est tenue le 14 mars, dans le petit village de Notre-Dame-de-Vaulx, sur le plateau de la Matheysine, à trente kilomètres de Grenoble. 200 à 300 personnes suivant les sources s’y sont retrouvées : directeurs d’autres écoles, enseignants, parents d’élèves, élus, syndicalistes, membres d’associations diverses et simples citoyens venus en soutien.
Au milieu des informations, affichées tout au long du grillage, et des banderolles, des prises de parole très fortes. Jean-Yves Le Gall réitère son refus de ficher les enfants. Il soutient notamment que les données personnelles ne devraient pas sortir de l’école. A partir du moment où les élèves sont rentrés dans le fichier, tout est possible, y compris le pire… et il y a lieu de s’inquiéter de cela dans un monde où la vie privée des personnes est de plus en plus difficile à protéger.
La multiplication des instruments de contrôle social est déjà très inquiétante… mais élargir ceux-ci à l’enfance est proprement intolérable. Les enfants ne sont pas des citoyens et n’ont pas le statut juridique pour rendre des comptes à la collectivité. Ils doivent être protégés et non fichés. Or dans la base élèves, ils sont inscrits d’autorité sans que le droit d’opposition de leurs parents ne puisse s’appliquer.
Plusieurs élus de la Matheysine apportent le soutien de leurs conseils municipaux. Ils relient cette sanction à la casse de l’Education nationale, engendrée aussi par la disparition des Rased (Réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, que Xavier Darcos veut supprimer) des écoles dont ils ont la charge.
Côté politique, le conseiller général du canton, la suppléante du député de la circonscription et une sénatrice expriment leur soutien et, côté syndicats, interviennent la secrétaire départementale du syndicat enseignant SNUIPP-Isère, celui du PAS et un syndicaliste de l’UL CGT.
La « base élèves », une violation aux conventions internationales
Plusieurs directeurs d’école « rétifs » expliquent les motifs de leur refus sur le plan éthique et un enseignant de la Drôme apporte symboliquement le soutien du collectif national. Deux recours devant le Conseil d’Etat ont été déposés contre la « base élèves », l’un contre les actes engagés dès 2004, l’autre contre l’arrêté du 20 octobre 2008, pris quatre ans après avoir démarré la collecte de données personnelles.
Le requérant souligne les nombreuses irrégularités autour de ce fichage : absence d’information des familles, interconnexion des bases élèves avec la Base nationale des identifiants des élèves (BNIE) cachée aux enseignants et aux familles. La « base élèves » serait une violation aux conventions internationales. L’arrêté rejette, sans justification, le droit d’opposition des personnes à figurer dans ce fichier.
Une table ronde était organisée pour parler de tous les fichages liberticides mis en place ou à venir et leur interconnexion, entre autres, Sconet (Scolarité sur le net) concerne tous les élèves du collège et du lycée. Des champs supprimés de la « base élèves » y figurent comme la nationalité, les fiches nominatives remontent au rectorat, il comporte la gestion de l’élève, les bourses, les absences et retards… Un informaticien remarquait qu’il n’était nul besoin de données nominatives pour établir des statistiques. Alors… ?
Caro, Mireille Charpy, directrice d’école retraitée, et Jean-Yves Le Gall, directeur d’école
Source : RUE89
dimanche 22 mars 2009
Saramani créations
www.saramani.fr
Le site d'une jeune styliste, pleine de talent.
Nous nous sommes rencontrées à Dakar et comme promis, je publie son site.
Allez-voir, c'est sympa et ses créations concernent aussi bien les hommes, les femmes et les enfants.
J'attends avec impatience la collection été 2009.
Alors, si vous aussi, vous souhaitez soutenir l'association Nord/Sud Créations pour la promotion d'une consommation responsable, prenez le temps de voyager...
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Sénégal vu par Fish eye 2 !
Savana Hotel, Dakar, Cap-Vert
Vue du bar
Savana Hotel, Dakar, Cap-Vert
Piscine de l'hotel
Ile de Gorée
Les canons de Navarone
Ile de Gorée
Voilier échoué
Vue du bar
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Ile de Gorée
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Ile de Gorée
Voilier échoué
vendredi 13 mars 2009
En grève !
Appel à la grève du 19 mars prochain
Sept fédérations de l'Education appellent à cesser le travail et à défiler lors de la prochaine journée d'action interprofessionnelle.
Une partie des enseignants descendra une nouvelle fois dans la rue le 19 mars. Sept fédérations de l'Education (Faen, Ferc-CGT, FO, FSU, Sgen-CFDT, Sud-Education et Unsa Education) appellent en effet à la grève et à manifester à l'occasion de la prochaine journée d'actions interprofessionnelle.
Les confédérations syndicales avaient arrêté lundi le principe de cette deuxième journée interprofessionnelle le 19 mars, après celle du 29 janvier, afin de peser sur le «sommet social» à l'Elysée, le 18 février, et infléchir la politique gouvernementale sur le pouvoir d'achat et le chômage.
«Aucune réponse nouvelle n'a été apportée»
Les sept fédérations de l'Education veulent participer à cette journée car «elles considèrent que les réponses apportées lors de l'intervention du président de la République restent loin des attentes et des exigences portées par la mobilisation du 29 janvier». «Dans le domaine de l'éducation, malgré la puissance de la grève, aucune réponse nouvelle n'a été apportée aux revendications», ajoutent-elles.
Le président «a au contraire maintenu intégralement les suppressions de postes et les orientations contestées de sa politique et a caricaturé à la fois les revendications et la réalité, qu'il s'agisse de l'Université et de la Recherche ou des moyens consacrés à l'éducation».
«Dans le même temps les pressions sur les personnels et les tentatives de remise en cause du droit syndical se poursuivent», estiment-elles encore. Elles demandent donc «solennellement» au gouvernement de «renoncer enfin à la totalité des suppressions de postes dans les enseignements scolaires et supérieur» et de «répondre positivement et sans attendre à la mobilisation des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche».
Lors de la dernière grève, le 29 janvier, quelque 47,92% des enseignants avaient cessé le travail dans le primaire et 28,03% dans le secondaire, selon le ministère de l'Education, le syndicat FSU annonçant pour sa part 67,5% en primaire (SNUipp) et «pratiquement 60%» dans le secondaire (Snes).
Lien : Le Figaro
mercredi 11 mars 2009
jeudi 5 mars 2009
Les cigognes sont de retour
Après ces quelques jours d'absence, nous retrouvons la France et sa grisaille habituelle.
Nous avons cependant la tête pleine de souvenirs du Sénégal, le pays de la Teranga.
Dans un premier temps, quelques photos de Dakar (jour 1) :
Pointe de Bel-AirLa plage de la voile d'or
Presqu'île du Cap-VertAnse Bernard
Palais présidentiel
Vue de la route de la Corniche-EstCap Manuel
Avenue PasteurPhare du Cap Manuel
Promenade de la Corniche-OuestLa Porte du IIIe Millénaire
Dans les faubourgs de Dakar...
Nous avons cependant la tête pleine de souvenirs du Sénégal, le pays de la Teranga.
Dans un premier temps, quelques photos de Dakar (jour 1) :
Pointe de Bel-AirLa plage de la voile d'or
Presqu'île du Cap-VertAnse Bernard
Palais présidentiel
Vue de la route de la Corniche-EstCap Manuel
Avenue PasteurPhare du Cap Manuel
Promenade de la Corniche-OuestLa Porte du IIIe Millénaire
Dans les faubourgs de Dakar...
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